ISSN 1201-7302 Cursus vol. 6 no 1 (automne 2001)

L'INTERNET AU BÉNIN : ÉTAT DES LIEUX À L'ORÉE DU 21ÈME SIÈCLE

Bienvenu Akodigna

Cursus est le périodique électronique étudiant de l'École de bibliothéconomie et des sciences de l'information (EBSI) de l'Université de Montréal. Ce périodique diffuse des textes produits dans le cadre des cours de l'EBSI.

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TABLE DES MATIÈRES


L'INTERNET AU BÉNIN : ÉTAT DES LIEUX À L'ORÉE DU 21ÈME SIÈCLE

INTRODUCTION

L'avènement d'Internet a introduit sans contredit une révolution dans le monde des communications. Internet, c'est en effet un immense réseau de communication où circulent d'incroyables quantités d'informations chaque jour. Que ce soit du texte, des images, des sons ou des séquences vidéo, l'information voyage sans arrêt.

Tandis que ces nouvelles technologies sont désormais utilisées de façon intensive dans les sociétés occidentales, les pays du Tiers-Monde éprouvent d'énormes difficultés à les maîtriser et à s'en servir pour les multiples besoins de développement. L'abondante littérature sur Internet fait pourtant état d'innombrables opportunités pour les pays en développement (PED). Le présent travail explore la situation d'Internet au Bénin et analyse quelques applications qui pourraient être développées pour répondre aux demandes croissantes d'information tant des individus que des organisations.

1. BÉNIN : PRÉSENTATION GÉNÉRALE

1.1. APERÇU GÉNÉRAL

Le Bénin est un pays de l'Afrique de l'Ouest sis entre le Nigeria et le Togo, avec un littoral donnant sur l'Atlantique nord. Le pays couvre une superficie de 112 622 km2, soit l'équivalent de la superficie de Cuba et 1/5 de celle de la France. Sa situation géographique sert de port d'entrée pour les pays enclavés de l'intérieur de l'Afrique comme le Niger et le Burkina Faso tout comme son rôle tampon entre l'Afrique francophone et anglophone en font un point d'ancrage idéal pour ceux qui veulent explorer l'immense marché ouest-africain.

La population du Bénin est estimée à 5.780.579 habitants selon le Rapport sur le Développement Humain au Bénin du Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD), édition 1997. La population se répartit comme suit :

0-14 ans : 48%;
15-64 ans : 49%;
65 ans et plus : 3%.
Le taux d'alphabétisation est estimé à 23 %, chez des personnes âgées de 15 ans et plus.

Dans le domaine de l'éducation, les chiffres se présentent comme suit :

Nombre d'élèves :
École primaire : 600 000;
École secondaire : 200 000.
Nombre d'étudiants :
Enseignement technique et professionnel : 10 000;
Niveau universitaire : 10 000.

La population béninoise est dans sa majorité jeune et par conséquent susceptible de s'ouvrir plus facilement aux innovations technologiques. De plus, si on tient compte de l'accroissement de la population urbaine des dernières années - de 11% en 1965 , on est passé à 36 % en 1988 - il est probable que plus de personnes auront accès aux nouvelles technologies de l'information, ces installations n'étant concentrées pour le moment que dans les grandes villes.

1.2. CULTURE INFORMATIQUE

Le Bénin a une très faible culture informatique comparativement à d'autres pays africains. L'enseignement de l'informatique a fait son apparition il y a quelques années seulement à l'Institut National d'Économie (INE) de l'Université Nationale du Bénin. Mais depuis 1990, avec le mouvement de libéralisation, plusieurs écoles privées ont mis sur pied des programmes de formation en BTS (Brevet de Technicien Supérieur), en programmation, en informatique de gestion, en informatique industrielle, en maintenance informatique, etc. Les programmes ne couvrent toutefois pas les notions de TCP/IP, ni le Windows NT, Linux, Unix et autres systèmes d'exploitation pour réseau qui sont essentiels aux applications Internet.

De plus, les nouvelles exigences du marché de l'emploi ont poussé plusieurs centres publics et privés à offrir des formations à l'utilisation de la micro-informatique. Ces modules de formation couvrent généralement les applications bureautiques comme Microsoft Word, WordPerfect, Excel et Lotus 123. Les systèmes de gestion de base de données comme Dbase ou Access sont très peu couverts cependant. La conception de logiciels ou d'applications spécifiques reste très faible.

En général, l'informatique est considérée comme un outil de bureautique. L'ordinateur n'est pas perçu comme un outil capable de gérer tout type d'information en dépit de la vitesse de traitement qu'offrent les plus récents processeurs. Il n'est pas encore perçu comme un outil d'aide à la conception de solutions aux problèmes de gestion que peuvent connaître les administrations d'aujourd'hui. Il y a aussi un mythe qui entoure encore l'ordinateur. Il semble être perçu comme un élément de prestige plutôt qu'un outil de travail qui devrait être mis à la disposition de l'utilisateur final qu'est le cadre ou le préposé dans une administration.

En ce qui concerne le parc informatique, il est difficile à évaluer. Le répertoire national des entreprises dénombre 36 entreprises dans le secteur, mais on peut présumer que les chiffres sont de loin au-dessus de cette taille compte tenu de l'importance de l'informel dans l'économie béninoise.

En dehors de quelques maisons qui commercialisent les marques comme IBM et Compaq, il est important de mentionner Master Soft qui fabrique des ordinateurs dits tropicalisés parce que résistants à la chaleur. Cette entreprise, dirigée par un béninois, a son siège aux États Unis et son antenne régionale pour l'Afrique se trouve au Bénin. L'assemblage se fait au Bénin à partir des pièces expédiées depuis les États Unis et les micro-ordinateurs Master Soft se vendent bien tant à l'intérieur qu'à l'extérieur du Bénin.

2. LES CONDITIONS D'ACCÈS À L'INTERNET

2.1. RÉSEAU TÉLÉPHONIQUE

Les infrastructures de télécommunications comprennent un réseau téléphonique de fils de cuivre et des stations micro-ondes. Pour les télécommunications internationales, il existe une station terrestre INTELSAT et un câble sous-marin.

Le réseau téléphonique béninois est vétuste. En dépit des efforts de modernisation entrepris ces dernières années, la couverture reste insuffisante. La capacité de raccordement est passée de 15 000 lignes en juillet 1993 à 36 783 lignes en mars 1998. L'été dernier encore les Services de l'Office des Postes et Télécommunications (OPT) signalaient 20.000 demandes de branchement en attente. Tandis que la majorité du réseau est analogique, seuls quelques centrales des villes de Cotonou et de banlieues sont numériques. Le téléphone cellulaire est en train de percer le marché béninois. Plusieurs usagers s'abonnent à ce réseau en raison des difficultés d'obtention de ligne fixe. Les programmes d'amélioration du réseau téléphonique prévoient des équipements capables de fournir un débit allant de 128 kbps (kilobits par seconde) à 2 mbps (megabits par seconde). On prévoit également prévu l'installation d'un satellite VSAT dont le noeud a été inauguré en juin 1997. Toutefois, la vitesse de connexion à ce jour ne dépasse pas les 50 kbps par seconde.

Ce tableau rejoint la situation téléphonique en Afrique Subsaharienne qui se présente comme suit :

- Une télédensité (nombre de lignes pour 100 habitants) comprise entre 0,3 et 0,8 % .
- Une qualité de service médiocre. La bande passante du réseau commuté est souvent limitée à 2400 bits/s. L'efficacité à l'arrivée peut se dégrader parfois jusqu'à 5% (un appel téléphonique sur 20 est acheminé correctement).
- Des tarifs extrêmement élevés : cela coûte plus cher de téléphoner entre deux villes éloignées du Burkina-Faso (5,60 F la minute) que de Paris à Los Angeles (2,93 F la minute en avril 1997 par l'opérateur France Telecom).

2.2. LES PRESTATAIRES DE SERVICES INTERNET (PSI)

L'histoire d'Internet a commencé au Bénin avec le Sixième Sommet de la Francophonie qui s'est déroulé à Cotonou, en décembre 1995. Dans la perspective de ce sommet, le Bénin s'est doté d'une passerelle d'accès à l'Internet. Cette connexion a permis de couvrir les activités du Sommet. La connexion était gérée par l'OPT, l'opérateur historique des télécommunications. L'accès était à 64 kbps. Le transport des données était réalisé par encapsulage du réseau X25 et du protocole IP (Internet Protocol).

Les PSI sont des entreprises qui offrent à un utilisateur l'accès aux ressources de l'Internet. Certains d'entre eux mettent en place des structures appelées cybercentres (ou cybercafés) qui permettent à ceux qui ne disposent pas d'ordinateur d'utiliser l'Internet en échange d'une redevance.

Il s'agit de l'Office des Postes et Télécommunications (OPT) (www.opt.bj), de la société SECNI (www.elodia.intnet.bj), de la Société EIT (www.eit.bj), Firsnet (www.firstnet.bj) , les Arts Bobo (www.artsbobo.bj), de SOBIEX Informatique (www.sobiex.bj), du Centre Syfed-Refer devenu récemment Campus numérique (www.bj.refer.org/benin_ct) et du Ministère du Plan (www.planben.bj). Les deux derniers sont des fournisseurs d'accès non commerciaux.

2.3. LES CYBERCENTRES

Le nombre de cybercentres est en augmentation constante. Cependant, ceux d'entre eux qui possèdent au moins cinq postes de consultation n'excède pas la dizaine. Tous les cybercentres sont connectés par liaison RTC, excepté ceux du Campus numérique, des Arts Bobo, de SOBIEX Informatique, de Firsnet et du Centre d'Éducation à Distance qui sont connectés par liaison permanente (28.8 kbps ou 64 kbps). Le cybercentre du Centre d'Éducation à Distance (CED), nouvellement créé et installé dans les locaux de l'Institut National d'Économie , jouit d'une liaison à 500 kbps. Cette institution bénéficie d'une autorisation spéciale de l'OPT et dispose d'une connexion internationale indépendante par satellite. Ledit centre fait office d'antenne nationale du Réseau Mondial d'Éducation à Distance mis en place par la Banque Mondiale en partenariat avec une dizaine de pays où de pareils centres sont également implantés.

Les services couramment offerts sont la messagerie électronique et la navigation. Les PSI disposent pour la plupart d'un nom de domaine hébergé sur un serveur à l'étranger et transmettent les messages aux abonnés en différé. La fréquence de connexion est d'au moins deux fois par jour et les abonnés ont leur propre adresse électronique. Les coûts du service varient : 20 FF par mois et 3 FF par courrier envoyé dans un premier cas. Le Campus numérique par exemple charge le service à 15 FF par mois et le paiement se fait par trimestre. Une troisième catégorie de PSI charge leurs services à 6000 F CFA (60 FF) par mois avec la possibilité d'envoi et de réception de courrier illimité.

Enfin une dernière catégorie de fournisseurs d'accès offre directement l'accès au web et les utilisateurs ont leurs comptes hébergés sur les serveurs gratuits comme Hotmail, Yahoo, etc. Le service est chargé dans ce cas à 1500 FCFA (15 FF) l'heure.

3. UTILISATION ET PRÉSENCE BÉNINOISE SUR INTERNET

3.1. STATISTIQUES D'UTILISATION

Ken Lohento, auteur d'un mémoire sur le sujet, a décompté les utilisateurs béninois de l'Internet. De 850 en 1996, les dépositaires d'une connexion sont passés à 1520 en 1997, et à plus de 3 000 l'année suivante. En extrapolant les résultats de 1997, on peut supposer que les internautes béninois sont désormais plus de 25 000 (RFI parle de 20 000), en comptant évidemment ceux qui partagent une connexion.

En outre, l'administration publique béninoise met les bouchées doubles pour assurer la connexion de tous les ministères à l'Internet. Tous les ministères ont une adresse électronique et il est prévu une page web par ministère sur le site gouvernemental. A ce jour, huit (8) ministères sur les dix-neuf (19) existants ont leurs pages complétées. Au sein des ministères, quelques directions ont également une adresse électronique. Il est également envisagé de mettre en réseau les Directions de la Programmation et de la Prospective. En effet, ces directions jouent le rôle de centre d'information au niveau de chaque ministère. Elles compilent les données statistiques sur les activités du ministère, produisent le rapport annuel et ont sous leur tutelle le service de documentation du ministère.

En dehors de l'administration publique béninoise, plusieurs organisations ont créé et publié leurs sites web s'assurant ainsi une présence sur les autoroutes de l'information. Il s'agit essentiellement d'agences internationales de développement, d'organisations non gouvernementales (ONG) et de quelques journaux.

3.2. QUELQUES INSTITUTIONS SUR LE WEB

Le SDNP (www.sdnpben.org.bj)

Le programme Sustainable Development Networking Progamme (SDNP) ou Réseau de Communication pour le Développement Humain Durable, lancé par le Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD) vise à faciliter l'accès opportun à l'information et à créer une expertise locale en nouvelles technologies de l'information ainsi que le partage volontaire des données et de ressources en vue de soutenir un développement humain durable . Le SDNP-Bénin a pour objectifs principaux :

- établir au niveau national une capacité à générer et à exploiter l'information adaptée en vue de la prise des décisions avisées pour un développement durable;
- favoriser l'utilisation des nouvelles technologies de l'information et de la communication, notamment l'Internet;
- accroître la collaboration entre les différents acteurs et opérateurs du développement humain durable;
- créer au niveau national une expertise qualifiée en nouvelles technologies de l'Information et des Communications.

La Fondation de l'entrepreneurship(http://elodia.intnet.bj/feb_web/feb2.htm)

La Fondation de l'Entrepreneurship du Bénin est une Organisation Non Gouvernementale (ONG) qui accompagne au Bénin l'émergence d'un secteur privé dynamique par des actions de promotion des Petites et Moyennes entreprises et des petites et moyennes industries (PME/PMI).

ORIDEV(http://www.anais.org/oridev/)

ORIDEV est composé de ORI et de DEV.

ORI est mis pour "ORITAMETA" qui signifie Carrefour en Yoruba (une langue parlée dans le Sud - Bénin), le carrefour sous-entendant la Communication. Internet (les Technologies de l'Information et de la Communication en général) constitue aussi le Carrefour de la Communication. DEV est mis pour développement. Ainsi, ORIDEV est une organisation non gouvernementale qui a pour objectif de promouvoir le développement par la communication, par l'usage des Technologies de l'Information et de la Communication.

Cette association est très active dans l'organisation de sessions de formation et d'activités de sensibilisation sur les nouvelles technologies. Elle publie ORITA, un bulletin électronique mensuel d'information sur l'évolution des NTIC au Bénin. Elle constitue l'un des principaux acteurs de la Fête de l'Internet au Bénin et même en Afrique. Cet événement est né en France au printemps 1998 avec pour objectif de sensibiliser les Français aux nouvelles technologies de l'information. L'événement connut un tel succès qu'il fut exporté aux quatre coins de la planète. La fête de l'Internet est devenue aujourd'hui l'occasion pour les associations, les collectivités, les entreprises et les services publics à travers le monde de mettre en place des initiatives en vue de la sensibilisation du public à l'utilisation de l'Internet.

Le Campus numérique(http://www.refer.fr/benin_ct/)

L'Association des Universités Partiellement ou Entièrement de Langue Française (AUPELF) a mis en place le Système Francophone d'Édition et de Diffusion (SYFED) et le Réseau Électronique Francophone pour l'Éducation et la Recherche (REFER). Dans ce cadre, les Centres Syfed-Refer (CSR) ont été créés. Le Centre Syfed-Refer du Bénin est installé à l'Université Nationale du Bénin (UNB) en décembre 1995. Il bénéficie, pour un accès à Internet, d'une liaison spécialisée au forfait depuis novembre 1997. En plus de son site Bénin Contact, le Centre Syfed offre la messagerie et la navigation à la communauté universitaire (étudiants, professeurs et chercheurs.) Des points Syfed sont installés en dehors du Campus universitaire à la Faculté des Sciences de la Santé, à l'Institut Régional de Santé Publique et dans diverses autres structures comme le Centre Culturel Français, l'Assemblée Nationale, l'Observatoire des Fonctions Publiques Africaines, etc.

Dans le cadre de la restructuration du Centre, il devient Campus numérique avec un débit qui sera porté à 64 kbps. De plus, le nombre de postes Internet passe à 25 et les locaux seront également aménagés pour offrir plus d'espace.

Le site du Gouvernement (http://planben.intnet.bj)

Le Ministère du Plan et de la Restructuration Économique et de la Promotion de l'Emploi (MPREPE) du Bénin s'est doté, début 1997, d'un serveur par accès PPP (Point-to-Point Protocol.) En dehors d'être au service de la promotion des activités du Ministère, le serveur a pour ambition d'offrir la connexion à l'Internet à toute l'administration béninoise. Des liens renvoient vers la page de chaque ministère. Actuellement, des accès RTC sont offerts à certaines directions techniques du Ministère du Plan.

La presse

Du côté des médias, quatre journaux sont désormais présents sur le web. En dehors du quotidien gouvernemental La Nation (http://elodia.intnet.bj/nation.htm) et du quotidien privé Le Matinal (www.h2com.com/lematinal ) , leader sur ce terrain, deux autres quotidiens sont disponibles en ligne : il s'agit de Fraternité (www.fraternite.firstnet.bj) et le Point au quotidien (http://www.lepointauquotidien.com). On peut également capter la radio Golfe FM (http://www.eit.bj/golfefm.htm) sur Internet.

Il convient de faire mention du site afrikinfo (www.afrikinfo.com) qui a mis en ligne un certain nombre de ressources d'information en ligne : le texte de la Constitution du Bénin ainsi que d'autres textes législatifs et réglementaires. On peut y trouver également la liste des institutions de la République (Cour Constitutionnelle, Conseil économique et social, Assemblée Nationale ainsi que les coordonnées des différents ministères). Ce site publie également le bulletin d'information de l'Agence Bénin Presse.

Le Système d'Information et de Suivi de l'Environnement sur l'Internet (SISEI) de l'Agence Béninoise pour l'Environnement (ABE)(http://212.27.191.132/sidsisei/nationaux/benin/index.htm)

Le Système d'Information et de Suivi Environnemental avec des données venant de toutes les parties concernées veut servir les objectifs nationaux en matière de protection de l'environnement. Il a pour objectif principal de renforcer le système national de gestion des ressources naturelles en facilitant l'accès à l'information de tous les acteurs (services publics, structures non gouvernementales, etc.)

4. DES APPLICATIONS DOCUMENTAIRES DE L'INTERNET

Plusieurs articles et rapports ont déjà montré les opportunités que peut offrir l'Internet aux pays en voie de développement. Certains voient en Internet un moyen d'asservir davantage les pays du Tiers Monde allant jusqu'à démontrer que ce n'est pas la préoccupation du plus grand nombre (Daouda, 1999). Je pense plutôt que l'Internet est un outil qu'il faut s'approprier pour l'adapter au contexte local en vue de la résolution des questions de développement qui se posent à chaque communauté. Comme l'a si bien dit le Centre d'expertise et de veille inforoutes et langues (CEVEIL, 2000) : "L'autoroute de l'information n'est rien si l'internaute ne peut l'utiliser à sa guise. Les applications Internet sont les moyens qui permettent à l'usager d'atteindre efficacement les objectifs qu'il s'était fixés... " Les applications proposées dans cette section partent de ce principe et tiennent compte des technologies, ressources et expertises disponibles actuellement au Bénin.

Toute la population au Bénin n'a pas accès à l'Internet. Il suffit de penser au taux d'alphabétisation et des difficultés de communication dans les zones rurales pour s'en rendre compte. Mais, à mon avis, les services publics, les écoles et collèges ainsi que la population d'étudiants et de chercheurs de l'université nationale du Bénin constituent de potentiels utilisateurs des nouvelles technologies. Mon propos ici est d'examiner les applications d'intérêt pour toute cette population.

Le courrier électronique

Des différentes ressources consultées, on peut dégager un certain nombre d'usages de l'Internet au Bénin, dont le courrier électronique. C'est le service le plus utilisé. Simple et pratique, il n'est pourtant pas encore à la portée de tous les béninois à cause de son coût. Toutefois, l'exploitation du courrier électronique pourrait apporter une aide précieuse à la communauté béninoise.

Les listes de discussion pourraient servir de cadre pour recueillir tous les avis et opinions sur toutes sortes de questions de développement. De la même manière, le Gouvernement pourrait susciter des débats sur des questions d'importance et recueillir tous les points de vue. Les listes de discussion actuellement disponibles à ma connaissance sont celles de Bénin Contact du Campus numérique et du quotidien le Matinal. Toutes ces listes ne font que de la revue de presse sur l'actualité que les modérateurs distribuent dans les boîtes électroniques des abonnés. Je pense que ces listes et forums pourraient servir de table ronde sur de véritables questions de développement. Dans le cadre des élections présidentielles de mars 2001, des forums de discussion ont été mis en place. Ils ont servi essentiellement à commenter le déroulement du processus électoral. On pourrait partir de ces expériences pour bâtir des réseaux d'échange d'idées et contribuer à élever le niveau de compétence des abonnés dans tel ou tel domaine.

De plus, les listes de discussions constituent un outil d'instruction et d'auto formation. Elles permettent aux abonnés de soumettre leurs préoccupations pour ensuite recueillir des suggestions et avis des autres abonnés. Elles offrent ainsi la possibilité d'échanger des idées sur toutes sortes de questions de développement. Utilisés dans le cadre restreint de l'administration, les listes et forums de discussion peuvent suppléer au manque d'expertise et de ressources d'information.

Un dernier exemple d'utilisation du courrier électronique qui peut bien accélérer la prise de décision est la possibilité de soumettre un document pour amendement à un groupe de personnes par fichier attaché.

Base de données des ressources d'information gouvernementales

Il est connu que dans les PED en général et au Bénin en particulier, les ressources d'information sont insuffisantes et très mal organisées. Mais il y a encore plus grave. Les études et rapports produits sur financement public ne sont pas toujours disponibles pour consultation. Ce qui fait dire à certaines personnes qu'il est plus facile de trouver de la documentation sur le Bénin à l'étranger que sur place. Les raisons de cet état de choses sont la dispersion des documents et leur manque de signalement. L'importance de ces études et rapports qu'on qualifie de littérature grise n'est cependant plus à démontrer. La solution que je suggère ici, c'est de responsabiliser les Directions de la Programmation et de la Prospective pour leur collecte et leur signalement. Comme expliqué plus haut, ces directions sont en charge de la gestion de l'information au niveau des départements ministériels. Elles sont donc informées de toute production scientifique au niveau du ministère. Il s'agira alors de mettre en place une base de données bibliographique qui comportera, en plus des éléments de description (auteur, titre, éditeur, date de publication, descripteurs et résumé), les indications sur la Direction technique, le Ministère où a été produit le document ainsi que sa localisation. Ainsi, toutes les ressources produites sur financement soit du Gouvernement ou des bailleurs de fonds seront disponibles pour consultation. Avec les nouveaux développements du logiciel de gestion de bases de données CDS-ISIS, ces informations pourront être publiées sur le site du Gouvernement et accessibles pour la recherche tant à l'intérieur qu'à l'extérieur du pays.

Mise en place d'une bibliothèque virtuelle

Une autre application de l'Internet qui pourrait pallier à la fois l'insuffisance et les difficultés d'accès aux sources d'information est la mise en place d'une bibliothèque virtuelle. Ce concept réfère au nouveau type de service d'information où la notion de maison ou de lieu physique prend de moins en moins d'importance, mais où l'information est potentiellement omniprésente et connectée à l'échelle planétaire. Cette nouvelle bibliothèque donne l'accès à distance aux contenus et aux services de bibliothèques ou autres sources d'information sur la place de travail de l'usager. "La bibliothèque virtuelle est donc un système par lequel un utilisateur peut se connecter à distance, de façon transparente, à des bibliothèques ou des bases de données éloignées en utilisant le système d'accès public de sa propre bibliothèque, un réseau universitaire ou serveur commercial comme passerelle."

Dans la pratique, ce type de service prend la forme d'un répertoire de sites et de ressources d'information organisé selon un plan de classification donné. On pourrait donc créer des liens vers des ressources électroniques pertinentes sur le site gouvernemental. Ainsi, les bases de données, les articles, les sites Web et toutes autres ressources d'information pertinentes à chaque ministère pourraient être facilement accessibles via le portail du gouvernement. Ces ressources viendraient compléter les maigres collections mises en place dans les différents départements ministériels. Étant donné que tous les services n'auraient pas forcément accès à l'Internet, les recherches pourraient se faire via le service chargé de l'information et de la documentation de la Direction de la Programmation et de la Prospective. Cette solution paraît réalisable avec la situation actuelle. Mais, dans la perspective de la connexion de tous les services publics, les recherches se feront directement par l'usager lui-même sur le site du gouvernement à partir de son poste de travail. On pourrait faire la même chose sur les pages des différentes écoles et facultés de l'Université Nationale du Bénin.

Il est important de signaler qu'il existe déjà plusieurs bases de données offertes gratuitement sur le Web. On trouve même des bases de données en texte intégral sans oublier les sites Web de périodiques qui offrent un accès au texte intégral de ses articles. Ces ressources intéresseront certainement les étudiants, les universitaires et les chercheurs des facultés et des instituts de formation ainsi que tous les professionnels. Toutes choses qui devraient convaincre les PED en général et le Bénin en particulier à tout mettre en œuvre pour exploiter ces opportunités.

Il faudra toutefois établir des mesures de gestion visant à l'efficacité du système. Il s'agira notamment de définir les domaines d'intérêt selon les priorités et besoins nationaux, de retenir un plan de classification et les critères de sélection, de déterminer qui auront la mission et la charge de choisir les sources et qui sont ceux qui pourraient éventuellement proposer des documents à inclure dans la base de données.

Gestion de bibliothèques

Dans un passé récent, les bibliothèques et les centres de documentation au Bénin géraient manuellement leurs ressources informationnelles. Le caractère laborieux d'une telle pratique, les retards qui en découlent dans le traitement et dans les services de mise à disposition de l'information et l'inefficacité générale des services ont incité à l'introduction de l'informatisation dans les bibliothèques. L'avènement des nouvelles technologies de l'information et de l'Internet devrait améliorer sensiblement la qualité des services. En effet, toutes les applications décrites ci-dessus pourraient s'expérimenter dans les bibliothèques. Ainsi, les ressources d'information disponibles seraient plus importantes et les bibliothèques seraient plus fréquentées. La qualité et la variété de services offerts devraient aussi permettre une visibilité nouvelle aux bibliothèques et services d'information. Je n'ai pas connaissance de l'offre de postes Internet dans les bibliothèques, mais je pense qu'en faisant payer à un taux raisonnable les services de recherche d'information et de fourniture d'articles, l'opinion selon laquelle les services d'information ne génèrent pas de revenu pourrait s'estomper. Pour terminer cette section, j'aimerais citer la Directrice de la Bibliothèque Nationale du Nigeria à l'occasion de la cérémonie d'ouverture de la Conférence Ouest Africaine sur la gestion des associations de bibliothécaires et la coopération tenue les 11, 12 et 13 octobre 1999 à Ibadan (Nigeria) sous le patronage de la section Afrique de l'IFLA:

" Le thème de la conférence est très pertinent. Par la similitude de nos cultures et de nos problèmes en tant que pays en développement, nous avons besoin d'avoir des échanges plus étroits au moyen d'un partage d'informations mutuellement profitables. Nous sommes au fait des nouvelles technologies et des services qu'elles offrent au travail de bibliothèque. Il y a un besoin urgent pour nous de commencer à exploiter ces services autrement nous serons laissés derrière par le reste du monde. C'est un fait qu'elles coûtent cher mais négliger de tirer profit d'elles nous coûterait encore plus cher. Chacune de nos bibliothèques doit commencer à les utiliser pour construire graduellement ses collections, pour améliorer l'efficacité et l'efficience de leur traitement, de leur stockage, de leur dissémination et de leur préservation. En réalité, toute coopération significative dépendra de l'utilisation de ces facilités.... "

CONCLUSION

Comme démontré par plusieurs auteurs, l'Internet est susceptible d'offrir de réelles possibilités de développement aux PED et au Bénin en particulier. Les quelques exemples d'application mentionnés ci-dessus montrent qu'avec peu de moyens on peut réaliser d'intéressantes actions. Il reste cependant un certain nombre d'obstacles à surmonter.

La première des difficultés à surmonter, c'est l'extension du réseau téléphonique. Cette question est capitale et très urgente. Je pense aussi qu'il s'agit d'un enjeu économique : 20 000 demandes en attente de branchement ! Un chiffre qui devrait stimuler les gestionnaires de l'OPT.

Il y aussi la question de la prise de conscience par les décideurs de l'importance stratégique de l'information dans l'économie du savoir. Bergdhahl (1989) note en effet que l'information est devenue une ressource tellement précieuse que le destin des nations modernes pour l'essentiel est lié à leur capacité de la développer et de l'exploiter. Elle prédit en outre, que dans le futur, les pays qui ne développeront pas cette capacité seront laissés derrière dans les domaines culturel, scientifique et du développement économique. Mais force est de constater que les représentants gouvernementaux, les planificateurs et les décideurs manifestent un niveau extrêmement faible de prise de conscience et de sensibilisation en ce qui concerne l'utilité de l'information, et demeurent obstinément sceptiques quant à son efficacité comme facteur dans le processus de développement (Neill, 1991).

De plus, les Béninois doivent apprendre à travailler ensemble. En effet, qui dit Internet dit partage des ressources, travail en commun, échange d'idées et d'expériences. Tant qu'on trouvera des raisons pour ne pas s'ouvrir les uns aux autres, pour ne pas communiquer et partager, il sera difficile de participer au rendez-vous du donner et du recevoir de l'Internet. L'Afrique en général et le Bénin en particulier ont connu des décennies d'errance. Depuis 1990, le Bénin a opté pour la démocratie, qui, loin d'être une mode politique, doit permettre la participation de tous à la construction efficace du pays. Pour ce faire, il faut accroître les capacités de l'école béninoise en infrastructure, en ressources humaines, en ressources d'information et en ressources financières. L'Internet peut aider à améliorer les conditions actuelles de l'enseignement en général et de l'enseignement supérieur et de la formation professionnelle en particulier à travers toutes les ressources d'information qu'il rend disponible. A titre d'exemple, le président du célèbre Massachusetts Institute of Technology MIT), Charles Vest, a dévoilé le 4 avril dernier en conférence de presse OpenCourseWare (OCW), un ambitieux projet : celui de diffuser gratuitement en ligne l'intégralité des cours et du savoir de la prestigieuse université. Telles sont les opportunités qu'offre l'Internet aujourd'hui et les pays pauvres devraient en prendre conscience pour s'efforcer de s'en approprier.


ANNEXES


BIBLIOGRAPHIE

Bergdhahl, B. IFLA's Progamme Advancement of Librarianship in the Third Wold ALP : A proposal for the future. Stockholm : Swedish Library Association, 1989.

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Elie , Michel. L'Internet : quel enjeu pour les pays du Sud ? . (Page consultée le 26 avril 2001), [En ligne]. URL : http://www.aftidev.net/fr/ressourcesdocuments.html

Jacquesson, Alain. L'informatisation des bibliothèques : historique, stratégie et perspectives. Paris : Editions du Cercle de la librairie, 1995

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