ISSN 1201-7302 Cursus vol. 9 no 2 (automne 2005)

La préservation du film


Suzanne Mathieu

Cursus est le périodique électronique étudiant de l'École de bibliothéconomie et des sciences de l'information (EBSI) de l'Université de Montréal. Ce périodique diffuse des textes produits dans le cadre des cours de l'EBSI.

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TABLE DES MATIÈRES

1. Introduction
2. Caractéristiques du film
2.1 Composition de la pellicule
2.2 Formats de pellicule
2.3 Types de film
3. Principales menaces à la survie du film
3.1 Dommages physiques
3.2 Dommages biologiques
3.3 Dommages chimiques
4. Préservation du film
4.1 Préparation de la pellicule
4.2 Entreposage
4.3 Stratégies de préservation
5. Enjeux de la préservation du film
5.1 Enjeux archivistiques
5.2 Enjeux économiques
5.3 Enjeux technologiques
6. Conclusion
5. Bibliographie

L'auteure

Suzanne Mathieu détient une maîtrise en sciences de l’information de l’Université de Montréal depuis le printemps 2005. Elle est actuellement assistante de recherche pour le professeur James Turner et chargée de cours à la session d’hiver 2006 pour le cours AVR1056 – Diffusion, communication et exploitation des archives. Elle s’intéresse principalement aux questions de préservation de l’image en mouvement.

1. Introduction

Pour nous connaître en tant que pays et en tant que culture, il est extrêmement important de comprendre et d’apprécier notre passé. Rien n’explique notre histoire de façon aussi vivante que nos souvenirs musicaux, radiophoniques, cinématographiques et télévisuels (Novek 2005, 1).

Cette citation du nouveau président du Trust AV nous montre bien l’importance que peuvent revêtir les archives cinématographiques pour une nation, un pays, une culture. Les premiers films datent de la fin du 19e siècle et malheureusement, plusieurs d’entre eux sont définitivement perdus, faute de négligence ou d’ignorance.

L’objet de cet article est d’explorer la thématique de la préservation de la pellicule film 1 afin d’éviter d’autres pertes inutiles de ce matériel si précieux. Bien qu’il soit impossible d’explorer en profondeur chacun des aspects étudiés, nous visons ici à reconnaître et à comprendre les grandes caractéristiques et les principaux enjeux de cette question.

Après avoir indiqué les principales caractéristiques du film, soit sa composition, les principaux formats ainsi que les types de film, nous présenterons les menaces à sa survie, regroupées en dommages physiques, biologiques et chimiques. La troisième section traitera plus particulièrement de la préservation du film, en considérant les étapes de préparation de la pellicule, de son entreposage ainsi que des diverses stratégies de préservation. Finalement, nous aborderons la question des enjeux de la préservation du film, et ce tant sur les plans archivistique, économique que technologique.

2. Caractéristiques du film

Nous ne pouvions traiter de préservation du film sans d’abord donner les principales caractéristiques matérielles du support d’information étudié. En effet, il apparaît essentiel de connaître et comprendre les éléments qui composent le film avant d’explorer les menaces qui le guettent ou encore les stratégies de préservation à adopter. Dans cette perspective, cette section vise à fournir de l’information sur la composition de la pellicule film, sur les différents formats ainsi que sur les types de film existant. Nous avons principalement recueilli notre information sur le site FilmForever (FilmForever 2005) ainsi que dans le guide sur la préservation du film publié par la National Film Preservation Foundation (National Film Preservation Foundation 2004).

2.1 Composition de la pellicule

La pellicule film est composée de deux parties, soit la base et l’émulsion. La base est une couche plastique transparente, épaisse2, qui sert de support à l’émulsion. Le nitrate, l’acétate et le polyester sont les trois types de base de la pellicule film utilisés depuis le début du cinéma. La deuxième couche, l’émulsion, est plus mince et transporte le matériel photosensible, l’image, à l’aide d’un agent liant gélatineux. Ces deux couches sont sensibles à la dégradation.

Le nitrate, plus précisément le nitrate de cellulose, fut la première base utilisée pour la composition du film cinématographique, dans les années 1890. Le film à base de nitrate3 a été utilisé pendant une soixantaine d’années, mais uniquement pour les films 35 mm. Compte tenu de la grande inflammabilité du film à base de nitrate , il n’était pas utilisé à des fins domestiques. En effet, il semble quasi impossible, voire impossible, d’éteindre un film à base de nitrate enflammé puisqu’il libère son propre oxygène et donc se nourrit lui-même. À partir des années 1920, Kodak a d’ailleurs marqué le bord des films de nitrate avec l’inscription « NITRATE FILM » afin de bien les identifier et de les différencier des films à base d’acétate (FilmForever 2005, National Film Preservation Foundation 2004, p. 8).

Le film à base d’acétate, en fait d’acétate de cellulose, a été introduit sur le marché vers 1909 et est encore utilisé aujourd’hui. Appelé « film de sécurité », il a été très utilisé à partir des années 1920 afin de diminuer, puis cesser, l’utilisation du film à base de nitrate – dont la production s’est arrêtée vers 1950 - et ainsi permettre d’être distribué pour des fins domestiques. Contrairement au nitrate, l’acétate est relativement ininflammable. Kodak inscrit même « SAFETY FILM » sur le bord de la pellicule pour s’assurer de bien la distinguer du film à base de nitrate. Le film à base d’acétate a été utilisé pour les principaux formats de pellicule, soit pour le 8, le 16 et le 35 mm (FilmForever 2005, National Film Preservation Foundation 2004, p. 8).

Le polyester est utilisé comme base de film depuis le milieu des années 1950. Il est considéré comme un film de sécurité, chimiquement stable et insensible au syndrome du vinaigre4. Sa durée de vie serait dix fois plus longue que celle du film à base d’acétate, entre autres du fait de sa robustesse. De fait, cette force permet à la pellicule d’être mince tout en étant moins fragile aux ruptures et aux dommages physiques des suites de mauvaises manipulations. Le film à base de polyester est utilisé principalement pour les films de 16 et 35 mm, un peu pour le super 8 mm. En Amérique, les films 35 mm sont majoritairement faits à base de polyester. Il se retrouve sous les noms ESTAR (Kodak) ou Mylar/Cronar (DuPont) (FilmForever 2005, National Film Preservation Foundation 2004, 9).

L’émulsion transporte le matériel photosensible grâce à un agent gélatineux qui forme la couche image du film. La composition chimique de l’émulsion diffère selon que le film soit en noir et blanc ou en couleur.

Pour le film noir et blanc, l’émulsion contient principalement du sel d’argent converti en particules d’argent métallique lors du développement. L’image est plus stable que les films dont l’émulsion est de couleur, à moins que l’émulsion ne soit exposée à un haut taux d’humidité, qu’elle soit contaminée ou qu’elle ait été mal traitée. Le côté de l’émulsion du film en noir et blanc apparaît terne et plus texturé que le côté de la base, qui est brillant et lisse. Lorsqu’elles sont bien entreposées, les images en noir et blanc sont très stables (FilmForever 2005, National Film Preservation Foundation 2004).

Le film couleur date environ de 1930 et a d’abord été introduit par Technicolor. L’émulsion du film couleur contient trois couches de colorant, soit le jaune, le cyan (bleu-vert) et le magenta (rouge bleuâtre). Le jaune est la couche la moins stable dans le noir, ce qui explique que les films dont la couleur est affadie soient souvent rosés. De plus, lorsque la couleur est estompée, il n’y a pas de façon d’inverser le processus, à moins d’une restauration numérique. Il est plus difficile de discerner le côté de la base de celui de l’émulsion pour un film couleur, quoiqu’il soit tout de même possible d’y arriver en le regardant à la lumière et en cherchant le côté sur lequel l’image apparaît texturée ou surélevée (FilmForever 2005, National Film Preservation Foundation 2004, 10).

2.2 Formats de pellicule

La pellicule film peut avoir différents formats, selon le type d’utilisation. La largeur (en anglais gauge) d’une pellicule film se mesure d’une bordure à l’autre de la pellicule et s’exprime en millimètres (mm). Les formats les plus connus sont le 8 mm, le 16 mm et le 35 mm. Nous présenterons aussi le format 70 mm utilisé, entre autres, avec la technologie IMAX.

Le format 8 mm a été créé par Kodak en 1932, pour usage domestique. Le film est, en fait, de format 16 mm, avec deux fois plus de perforations par pied que le 16 mm régulier. Lorsque le film est envoyé pour développement, il est coupé en deux bandes de 8 mm. Le film super 8 mm, vendu à partir de 1965 par Kodak, laisse plus d’espace pour l’image puisque ses perforations sont plus petites. Le super 8 mm est utilisé tant par les amateurs que les professionnels (FilmForever 2005, National Film Preservation Foundation 2004, 7-8).

Le 16 mm a été introduit par Kodak en 1923 et a rapidement été adopté tant par les amateurs que par les professionnels. Un des avantages du film 16 mm est que la caméra et le projecteur de film 16 mm sont légers, faciles à manipuler et transportables. Par contre, l’arrivée de la vidéo dans les années 1970 a entraîné une baisse d’utilisation du film 16 mm (National Film Preservation Foundation 2004, 7).

Le premier film projeté en 1893 était de format 35 mm, format largement adopté par l’industrie cinématographique depuis. Le film 35 mm est principalement utilisé par les professionnels, surtout à cause des coûts reliés au 35 mm, que les amateurs ne pourraient supporter, ainsi que les problèmes survenus par l’utilisation du nitrate comme base de la pellicule (National Film Preservation Foundation 2004, 7).

Le format 70 mm a la qualité de présenter une plus grande image, et surtout une image plus nette. Le cinéma IMAX utilise de la pellicule film 65 et 70 mm. Par ailleurs, comme le film est moins coûteux lorsqu’il est moins large, on comprend que le 8 et le 16 mm ont été très populaires auprès des consommateurs ordinaires et que le 35 et le 70 mm ont plutôt été utilisés par les professionnels (National Film Preservation Foundation 2004, 6).

2.3 Types de film

Nous avons utilisé l’expression « types de film » pour représenter le fait que la pellicule cinématographique peut être un négatif ou un inversible.

Le négatif est le film original, celui exposé dans la caméra, en noir et blanc ou en couleur, qui, après développement, contient les images ou le son. Le négatif a la particularité d’être l’inverse de l’image originale. Le négatif n’est donc pas la copie utilisée pour la projection, mais plutôt le support à partir duquel sera tirée la copie positive (FilmForever 2005).

La pellicule inversible est conçue et traitée de façon à donner une image de même polarité que la scène enregistrée. Cela signifie que l’utilisation d’une pellicule inversible permet de tirer directement une copie positive, sans devoir passer par un négatif. Tous les films d’amateurs, noir et blanc ou couleur, sont maintenant inversibles. Son utilisation permet d’économiser de l’argent et de la pellicule. Par contre, l’absence de négatif exige que les soins apportés à la pellicule inversible soient des plus appropriés puisque c’est la pellicule utilisée pour la projection (FilmForever 2005). Une façon de différencier la pellicule négative de la pellicule inversible est l’examen des bords de la pellicule : ils sont noirs pour la pellicule réversible et transparents pour la copie tirée d’un négatif (National Film Preservation Foundation 2004, 11).

3. Principales menaces à la survie du film

De par sa composition, la pellicule film est sensible à différents types de problèmes. Nous présenterons ici les trois grands types de dommages qui peuvent affecter la pellicule cinématographique, soit les dommages physiques, biologiques et chimiques.

3.1 Dommages physiques

Les dommages physiques sont les différents dommages qui peuvent affecter la pellicule film en tant que support physique : la poussière et la saleté, les cassures et les rayures, les déformations ainsi que les bris de perforations. Nous les présenterons en indiquant la façon de les réparer, lorsque cela est possible.

La poussière et la saleté qui peuvent se retrouver sur la pellicule film peuvent être causées par une surface sale sur laquelle le film est déposé, par des rouleaux de projecteur usés, par des conditions d’entreposage inadéquates ou encore par de mauvaises manipulations, par exemple lors de l’expédition. On traite physiquement la pellicule en la nettoyant (FilmForever 2005, National Film Preservation Foundation 2004, 13).

Les cassures peuvent être provoquées par un stress causé lors de l’enroulement ou de la projection de la pellicule, ou encore suite à de mauvaises manipulations. Les cassures sont réparées à l’aide de colle ou de ruban pour les collures. Les rayures peuvent être causées par des rouleaux usés, sales, ou par le film qui serait enroulé trop serré ou trop lâche dans le projecteur. Elles peuvent aussi être créées dans la caméra ou au cours du montage. Les rayures sont permanentes mais peuvent être amenuisées lors de la duplication, ou éliminées grâce à la restauration numérique (FilmForever 2005, National Film Preservation Foundation 2004, 13).

Les perforations abîmées de la pellicule film sont souvent dues à une mauvaise manipulation du film dans le projecteur et se retrouvent surtout au début ou à la fin du film, ainsi que près des collures défectueuses. Une des façons de s’assurer de ne pas abîmer les perforations est de mettre des amorces assez longues au début et à la fin de la pellicule. Il importe de réparer toutes les collures défectueuses et de charger avec précaution le film dans un projecteur propre et bien lubrifié. De plus, il est important de ne pas projeter un film rétréci ou fragile afin d’éviter sa destruction définitive (FilmForever 2005, National Film Preservation Foundation 2004, 13).

3.2 Dommages biologiques

Les dommages biologiques, tels la moisissure et les champignons (mold, mildew, fungi) 5, sont particulièrement causés par de mauvaises conditions d’entreposage du matériel filmique. L’humidité est le principal facteur, bien que la chaleur affecte aussi la pellicule. Les organismes que sont les moisissures et les champignons attaquent généralement les bords du film en premier, mais vont rapidement vers le centre de la pellicule et endommagent ainsi l’émulsion. On peut reconnaître les dommages causés par ces organismes par les marques blanches sur les bords de la pellicule, qui peuvent s’étendre jusqu’à son centre. Il est possible d’arrêter le processus en nettoyant la pellicule puis en l’entreposant dans un environnement contrôlé, frais et sec, avec une bonne aération. Par contre, si l’émulsion du film est touchée, l’image est irrémédiablement détruite (FilmForever 2005).

3.3 Dommages chimiques

Les dommages chimiques peuvent affecter tant la base que l’émulsion du film et causent tous des dommages irréversibles. Nous présenterons ici les dommages propres aux films à base de nitrate et d’acétate, ainsi que les problèmes de rétrécissement et de décoloration.

Outre sa grande inflammabilité, le film à base de nitrate est susceptible de dégradation chimique causée par deux facteurs : la nature même du matériel et les conditions d’entreposage du film. Bien que le processus de détérioration ne puisse être inversé, il est à tout le moins possible de le retarder par des conditions d’entreposage appropriées. Il faut, idéalement, faire une copie du film avant que l’image ne soit trop affectée. En effet, la Fédération Internationale des Archives du Film (FIAF) considère que le matériel ne peut plus être dupliqué lorsque le stade de dégradation atteint le niveau 3 (National Film Preservation Foundation 2004, 16). Nous présenterons ici les cinq stades de la décomposition du nitrate :

L’image est altérée et l’émulsion se décolore en une teinte brunâtre. Une faible odeur délétère se fait sentir. Si le boîtier qui contient le film est en métal, un peu de rouille peut apparaître.

L’émulsion devient collante et le film tend à rester collé lorsqu’on le déroule. L’odeur est toujours présente.

L’émulsion s’adoucit et fait des cloques de gaz. Une odeur plus âcre se fait sentir.

Le film fige en une masse solide qui peut être couverte d’une mousse visqueuse. Une forte odeur délétère se fait sentir.

Le film se désintègre partiellement ou entièrement en une poudre brunâtre (FilmForever 2005).

La décomposition de l’acétate, communément appelée le « syndrome du vinaigre », touche uniquement les films dont la base est d’acétate de cellulose6. Le syndrome du vinaigre est dû à une réaction chimique qui, combinée à l’humidité, la chaleur ou des acides, peut détruire la pellicule. Il s’en dégage alors de l’acide acétique, chimiquement identique au vinaigre, d’où l’expression « syndrome du vinaigre ». Le syndrome du vinaigre est un phénomène autocatalytique, ce qui signifie qu’il s’entretient lui-même. Ainsi, plus le film se détériore et plus la réaction chimique s’accélère.

La pellicule affectée par le syndrome du vinaigre est contagieuse, en ce sens où les vapeurs dégagées se transmettent aux autres pellicules de même composition : il importe donc de l’isoler rapidement, surtout si les conditions d’entreposage sont déficientes. Il est possible d’évaluer le taux d’acidité avec des bandes détectrices d’acide, appelées « A-D Strips ». Il y a habituellement sept grandes étapes de décomposition dues au syndrome du vinaigre :

Le film commence à sentir le vinaigre.

La base du film commence à rétrécir de façon irrégulière, ce qui a pour effet de déformer le film.

Le film est courbé, semble onduleux, et ne peut plus être plat.

L’émulsion craque et peut éventuellement s’écailler. L’image a l’allure d’une mosaïque.

Due à la détérioration du liant, une poudre blanche peut apparaître sur les bords et à la surface de la pellicule.

La pellicule change de forme, elle devient square on reel7.

Le film perd toute flexibilité et l’émulsion s’écaille de la base (FilmForever 2005).

Compte tenu qu’il est impossible de renverser le processus de décomposition, il faut à tout le moins entreposer le film affecté dans des conditions appropriées, dans un environnement où la température est plutôt froide. Si la détérioration n’est pas trop avancée, il est possible de dupliquer le film. Mais si le film est trop fragile, on peut à tout le moins tenter de faire des copies des sections moins endommagées (FilmForever 2005, National Film Preservation Foundation 2004, 14).

Le rétrécissement est un des symptômes de la décomposition de l’acétate de cellulose, mais il peut aussi affecter le film à base de nitrate. Une des causes du rétrécissement de la pellicule film est l’entreposage dans un environnement trop sec. Il semble qu’en deçà de 15 % d’humidité relative (HR) sur une longue période, le film perd son humidité, se contracte et devient fragile. Le problème est plus important pour les films de petit format, tels les pellicules de 8 mm et 16 mm, bien que cela affecte aussi le film de format 35 mm et puisse lui nuire considérablement. En deçà de 0,8 % de rétrécissement (1 % pour le film 35 mm), la projection s’avère problématique. En deçà de 2 %, même les meilleurs laboratoires peuvent difficilement copier le film, à moins d’utiliser un numériseur. Par ailleurs, lorsque le rétrécissement atteint 2 % du film, d’autres problèmes affectent aussi le film (National Film Preservation Foundation 2004, 15).

Tous les films couleur (négatif ou copie), peu importe leur degré de stabilité, vont voir leurs couleurs s’affadir avec le temps 8. En fait, les trois couches de colorant perdent leur couleur originale, à des rythmes différents. Lorsqu’une des couches se décolore, l’équilibre entre les couleurs change, les contrastes sont de moins en moins apparents et le film prend une teinte rose-brunâtre. Plus le temps avance et plus le film prend une teinte délavée monochrome. La chaleur et l’humidité relative élevée sont les principaux coupables de la décoloration. Comme pour les autres dommages chimiques, le processus, à défaut d’être renversé, peut être à tout le moins ralenti grâce à des conditions d’entreposage fraîches et sèches. Notons cependant qu’il existe certains procédés chimiques et numériques, dispendieux, qui permettent de retrouver les couleurs originales (National Film Preservation Foundation 2004, 16).

4. Préservation du film

Les sections précédentes nous ont permis de reconnaître les principales caractéristiques et menaces de la pellicule film. Ces informations nous permettront de mieux comprendre cette nouvelle section portant sur la préservation du film. Nous verrons donc, dans un premier temps, quelles sont les étapes nécessaires à la préparation de la pellicule film. Dans un second temps, nous présenterons les principales conditions et infrastructures pour l’entreposage du matériel film. Finalement, nous indiquerons les principales stratégies de préservation du film.

4.1 Préparation de la pellicule

Avant d’entreposer le matériel ou d’entreprendre toute stratégie de préservation, il faut s’assurer de l’état de la pellicule. Pour ce faire, il faut d’abord savoir comment bien manipuler la pellicule pour ensuite l’inspecter, la réparer ainsi que la nettoyer. Ce n’est qu’après s’être assuré de l’état de la pellicule ainsi que d’avoir fait tout le nécessaire en fonction des résultats que l’on peut considérer les différentes stratégies de préservation.

Avant toute chose, il importe de savoir comment manipuler la pellicule puisque, tel que nous l’avons vu dans la section sur les dommages physiques, de mauvaises manipulations peuvent abîmer la pellicule. Il faut d’abord s’assurer de travailler sur une table vide et propre pour éviter que la saleté et la poussière ne collent au film. Il est aussi important d’être dans un espace bien éclairé et bien aéré. Les équipements métalliques qui seront utilisés doivent être nettoyés avec un agent qui ne laisse pas de résidu, alors que le matériel en plastique et les compteurs de métrage doivent être rincés à l’eau distillée. Il faut manipuler le film avec des gants de coton, quoique dans le cas de pellicule avec des coupures ou des performations brisées, il est préférable de les enlever. En effet, les gants de coton pourraient s’accrocher aux brèches et empirer le problème. Il s’agit alors de manipuler la pellicule par les bords, sans toucher aux images. Finalement, il est fortement déconseillé de visionner le film àl’aide d’un projecteur qui risquerait d’infliger des problèmes plus sérieux à une pellicule déjà abîmée.

En respectant les indications de manipulations de la pellicule, la première étape pour assurer la préservation du film est l’inspection. Dans un premier temps, il faut examiner le film, en vérifiant d’abord son boîtier. En effet, le boîtier protège le film des attaques extérieures mais peut aussi être une source d’indications sur l’état de la pellicule. Par exemple, un boîtier rouillé ou enfoncé nous indique que les conditions d’entreposage ont été inadéquates. Une telle situation exige que le boîtier soit manipulé avec soin afin de ne pas abîmer le film. Lorsque l’on enlève la pellicule du boîtier, il faut s’assurer de bien la tenir pour ne pas qu’elle se déroule ou se défasse du noyau. Dès cette première manipulation, il est possible de vérifier si le film est atteint de dommages physiques, chimiques ou biologiques.

L’enrouleuse est un outil qui permet d’enrouler ou de dérouler la pellicule film. Après avoir sorti le film du boîtier, on l’installe avec soin sur l’enrouleuse, en faisait attention aux perforations. On fait ensuite défiler le film avec précaution afin de vérifier son état. Un film légèrement incurvé doit d’abord redevenir uniforme avant d’être manipulé. Il faut donc le laisser s’acclimater à l’environnement, avec un taux de HR entre 40 % et 60 %. L’incurvation est causée par peu ou trop d’humidité, auxquels cas la pellicule est soit courbée vers l’émulsion, soit vers la base. L’examen de la pellicule nécessite l’utilisation d’une petite table lumineuse ou d’une visionneuse de table (National Film Preservation Foundation 2004, 21-24).

L’inspection permet, entre autres, de dater le film grâce aux différents codes inscrits sur le bord de la pellicule, d’identifier ses principales caractéristiques techniques et, évidemment, de détecter les dommages physiques, chimiques et biologiques. La longueur de la pellicule peut aussi être une indication de sa détérioration. Il importe aussi de regarder les anciennes réparations effectuées sur le film. La National Film Preservation Foundation suggère d’utiliser une feuille d’inspection sur laquelle sont indiqués les principaux éléments à considérer lors de l’inspection de la pellicule film avec les éléments à cocher. Les informations ainsi colligées serviront ensuite à prévoir la stratégie de préservation et à comparer l’état de la pellicule avec un autre examen.

Lorsque l’inspection est terminée, il faut réparer la pellicule si cela s’avère nécessaire. Dans un premier temps, il faut changer de boîtier pour un boîtier qui répond aux normes actuelles. Il faut aussi enlever le film de la bobine, si celui-ci est sur une bobine, puisque cette dernière sert à la projection, non pas à l’entreposage. Pour l’entreposage, il faut enrouler la pellicule sur un noyau de plastique de trois pouces de diamètre. De fait, plus le noyau sur lequel le film est enroulé est large, moins le film subit de stress.

Il est aussi très important de mettre une amorce assez longue au début du film et à la fin du film, amorce qui permettra d’identifier la pellicule en plus de la protéger. L’information habituellement retrouvée sur l’amorce comprend le titre du film ou son numéro d’acquisition, sa cote d’emplacement, le numéro de la bobine ainsi que le début (en anglais head) ou la fin (en anglais tail) de la bobine (National Film Preservation Foundation 2004, 26-27). Lorsque la pellicule est bien identifiée, on peut commencer à faire les réparations des collures et des perforations abîmées.

Les collures permettent de joindre deux morceaux de pellicule réunis bout à bout. Ces collures peuvent être faites en utilisant un adhésif ou un ciment. Si, suite à l’inspection, des collures sont considérées fragiles ou défectueuses, il importe de les traiter avant toute autre forme de manipulation. Il faut couper la pellicule à la jonction de deux images avec une guillotine, parallèlement, et nettoyer la surface. Il faut ensuite, avec l’aide d’une colleuse, relier les deux bouts de pellicule, en s’assurant que les perforations sont bien alignées. Il suffit ensuite de mettre le ruban de collure des deux côtés de la pellicule.

Par contre, il est aussi possible d’utiliser une colle pour le film, sauf pour la pellicule dont la base est de polyester, ce qui implique que l’on colle un bout de pellicule sur un autre. Dans un premier temps, il faut enlever l’émulsion du film autour de la collure puis nettoyer la pellicule. Il faut ensuite mettre la colle sur la surface préparée, aligner les deux films puis appliquer une pression pour une dizaine de secondes avant d’enlever les résidus. Il faut attendre que la colle sèche puis tester la durabilité de la collure en faisant une légère contorsion. Bien que la colle ait l’avantage d’attirer moins la saleté, elle a pour contrepartie de risquer la perte de quelques images. Pour les films à base de polyester, les collures sont réparées soit avec du ruban de collure, soit avec une presse à coller à ultrasons.

L’autre type de réparation concerne les perforations. Il est possible de réparer des perforations cassées ou déchirées. Il existe des rubans perforés qui peuvent remplacer les perforations abîmées sur les films de 16 mm et 35 mm. Pour les brisures isolées, les perforations peuvent être réparées avec du ruban à collure (FilmForever 2005, National Film Preservation Foundation 2004, 28-31).

Lorsque l’inspection est terminée, il importe de nettoyer la pellicule afin d’enlever les moisissures ainsi que les dépôts laissés suite aux projections. Il faut mettre des gants résistants au solvant, un masque et s’assurer de travailler dans un environnement bien aéré puisque les spores des moisissures peuvent affecter la santé. Il suffit alors d’installer la pellicule sur l’enrouleuse et de mettre le film entre un linge légèrement humecté de nettoyeur de film. Il faut ensuite dérouler lentement le film entre le tissu nettoyant tout en s’assurant que le liquide soit tout à fait évaporé de la surface avant de l’enrouler à nouveau vers l’autre bobine. On ne doit pas faire cela lorsque les perforations du film sont abîmées. Il faut évidemment s’assurer de toujours travailler avec un linge propre.

4.2 Entreposage

Un des éléments importants concernant la préservation du film est la qualité des conditions d’entreposage. En effet, il serait paradoxal pour une institution d’investir dans diverses stratégies de préservation sans aussi investir dans un environnement d’entreposage adéquat. Cette section vise donc à présenter, dans un premier temps, les principales conditions d’entreposage à considérer et, dans un second temps, les infrastructures nécessaires à un bon entreposage. Par ailleurs, tous ces éléments exigent aussi que l’on fasse un suivi des conditions instaurées. Nous donnerons aussi quelques indications sur la façon de manipuler le matériel entreposé.

Il y a deux principaux facteurs à considérer pour l’entreposage du film cinématographique, voire même de tout type de matériel, soit l’humidité relative (HR) et la température d’un lieu. Nous présenterons ici les recommandations de l’Image Permanence Institute (IPI) (Adelstein 2005). En général, une température et un taux de HR bas aident à ralentir la dégradation chimique de la pellicule et en augmentent ainsi sa stabilité. La qualité des boîtiers est aussi importante, ce qui explique que nous ayons inclus une rubrique sur les boîtiers dans cette section.

Il existe quatre grandes catégories de température définies dans le guide de l’IPI avec, pour chacune d’elle, une température moyenne. Ces catégories sont mises en relation avec les conditions environnementales établies par l’International Organization for Standardization (ISO) et ce, en fonction de chaque support (voir le tableau 8 tiré du Guide de préservation du film de la National Film Preservation Foundation, p. 60). Notons qu’il est aussi important d’avoir une bonne circulation d’air et un bon niveau de lumière (entre 30 et 100 lux) (Bereijo 2004, 327).

En général, il importe de maintenir un taux de HR entre 30 % et 50 %. En deçà de 30 %, l’air est trop sec et cela peut causer des problèmes de rétrécissement de la pellicule alors qu’un taux de HR au-delà de 50 % rend la pellicule plus sensible aux dommages biologiques. Pour la température, la catégorie FROZEN, soit 0 °C, semble idéale pour le matériel film. Par contre, tel que l’indique le tableau, on peut aussi s’en tenir à 4 °C. Pour les films avec des composantes magnétiques, telle une bande son, la question de l’entreposage à basse température s’avère problématique. L’IPI recommande de privilégier la préservation de la base plutôt que celle de la bande son (Adelstein 2005, National Film Preservation Foundation 2004, 59-61).

Les boîtiers de film devraient permettre à la fois de protéger de la poussière, des saletés, ainsi que des dommages physiques qui pourraient survenir. Les boîtiers doivent être solides pour permettre l’entreposage d’un boîtier sur l’autre ainsi que pour assurer une protection contre le feu et l’eau. De plus, un boîtier devrait protéger la pellicule lors de l’expédition. Bien que les boîtiers puissent être en métal, en carton ou en plastique, l’ISO recommande, pour le matériel photographique, des contenants en plastique de type polypropylène ou polyéthylène, chimiquement stables. Les contenants ne doivent pas contenir de colle ou d’additifs qui pourraient réagir chimiquement avec la composition de la pellicule film. La question de l’aération du boîtier dépend du type d’entreposage. Si la température est froide, il est préférable de laisser circuler l’air afin d’éviter des problèmes d’humidité (National Film Preservation Foundation 2004, 66).

Ajoutons à ces considérations que les boîtiers doivent idéalement avoir une durée de vie au moins aussi longue que la pellicule film qu’ils contiennent et que leur format doit convenir à celui de la pellicule contenue. Finalement, il importe que le contenant soit entreposé horizontalement afin que le film soit à plat et non pas appuyé sur les rebords du boîtier. Évidemment, il faut s’assurer de la propreté, de l’absence de rouille et du bon état général d’un boîtier réutilisé.

Soulignons que la compagnie québécoise STiL Design a développé des boîtiers d’archivage pour la pellicule film, en polypropylène, actuellement utilisés aux archives de Radio-Canada, aux Archives nationales du Québec et du Canada ainsi que par des institutions telles l’Office nationale du film du Canada, l’Institut National de l’Audiovisuel en France et les studios MGM et Paramount.

En plus des conditions d’entreposage, il faut aussi s’assurer d’avoir les infrastructures adéquates pour la préservation du film. En effet, conditions d’entreposage et infrastructures sont interreliées et ne pas investir pour l’une annihile les effets bénéfiques de l’autre. Les choix d’infrastructures dépendent des institutions, des collections, etc. Nous présenterons ici les principales infrastructures nécessaires à la bonne préservation des films, soit la voûte réfrigérée, les réfrigérateurs/congélateurs ainsi que l’entreposage hors site et nous donnerons des indications précises propres à l’entreposage du film à base de nitrate.

Lorsque la collection est importante ou moyenne, la voûte réfrigérée s’avère une solution intéressante grâce à l’environnement protégé qu’offre une température fraîche, un taux de HR contrôlé et une bonne circulation d’air. L’IPI recommande aussi d’avoir une unité dessicative9 pour toute la voûte, plutôt que d’avoir des boîtiers individuels aux propriétés déshumidifiantes. Il importe aussi que la voûte soit dédiée à l’entreposage du film, sinon l’environnement serait fragilisé par les poussières et les saletés d’un environnement de travail. Les voûtes peuvent même être sécurisées (National Film Preservation Foundation 2004, 62).

Pour les petites collections, un réfrigérateur ou un congélateur peuvent convenir. Par contre, leur utilisation nécessite un plus grand contrôle de l’humidité et exige donc d’en protéger chaque film. Le site FilmForever indique les principales étapes à suivre pour l’entreposage de films cinématographiques dans des réfrigérateurs/congélateurs.

Après s’être assuré que le film et le matériel d’entreposage sont à température de la pièce, avec un taux de HR de 60 %, on scelle les boîtiers avec de l’adhésif d’archivage afin qu’ils soient le plus étanche possible.

On utilise ensuite un sac très résistant qui va au congélateur, de trois millièmes ou plus, afin d’y mettre un ou plusieurs boîtiers. Le sac est ensuite vidé de son air, fermé puis scellé avec un adhésif. Le contenu du sac doit être bien identifié afin d’éviter une ouverture inutile.

Le sac doit être enveloppé dans un deuxième sac, aussi scellé. Il est suggéré d’inclure un indicateur d’humidité entre les deux sacs.

Le film est placé dans le réfrigérateur/congélateur, protégé de tout ce qui pourrait le percer. On peut mettre un carton entre chaque sac pour en assurer la stabilité (FilmForever 2005).

Une autre façon d’entreposer le matériel est de choisir l’entreposage hors site, dans des espaces loués dédiés à cet effet. Cette séparation géographique a la qualité d’assurer la protection du film, par exemple dans le cas où une institution subirait des dommages suite à un feu, une inondation, etc. Par contre, ce type d’entreposage doit être considéré pour du matériel peu utilisé (National Film Preservation Foundation 2004, 63-64).

Tel que nous l’avons vu précédemment, le film à base de nitrate est problématique puisque très inflammable. Il nécessite donc des conditions d’entreposage particulières. La National Fire Protection Association (NFPA) a émis des recommandations pour la construction de lieux d’entreposage pour les films à base de nitrate. Pour une collection de cinq et 50 bobines de pellicule, le matériel peut être entreposé dans des armoires de métal, avec des systèmes de gicleurs et de ventilation extérieurs qui permettent de ventiler les gaz produits par la décomposition du film. Lorsque la collection est plus importante, il faut des voûtes compartimentées dont les conditions d’entreposage sont d’un maximum de 2 °C et d’un taux de HR qui oscille entre 20 % et 30 %. Il est fortement déconseillé d’entreposer des films à base de nitrate avec des films à base d’acétate ou de polyester (National Film Preservation Foundation 2004, 65).

Lorsque le matériel entreposé doit être retiré, il faut s’assurer de manipuler le film avec soin puisque le fait de retirer le matériel du froid peut provoquer de la condensation et nuire ainsi à la qualité de la conservation. Deux méthodes sont présentées dans le guide de la National Film Preservation Foundation. Dans la première méthode, il s’agit de déposer le matériel retiré du froid dans un environnement intermédiaire où la température et le taux de HR sont contrôlés. L’autre approche vise à mettre le film dans un contenant anti-moisissure10 avant d’enlever le film de son environnement froid. La condensation se fait alors à la surface du contenant.

Bien que le temps d’attente avant de manipuler le matériel refroidi dépende du format de la pellicule - un film 35 mm prendra plus de temps à s’acclimater qu’un film 8 mm - il est suggéré d’attendre au moins 24 heures. Le retour aux conditions d’entreposage peut se faire rapidement si les conditions de HR ont été de 60 % ou moins. Sinon, il suffit de refaire la procédure indiquée dans la section Réfrigérateurs/Congélateurs (National Film Preservation Foundation 2004, 64-65).

4.3 Stratégies de préservation

La préservation du film passe nécessairement par les étapes de préparation de la pellicule ainsi que celles de l’entreposage. Par contre, d’autres façons de préserver la pellicule film, plus particulièrement son contenu, existent. En effet, il est fort louable de vouloir préserver la pellicule originale d’une œuvre cinématographique. Par contre, la pellicule film, selon sa composition, est sensible à divers types de dommages. Il se peut donc que les conditions de préparation et d’entreposage ne puissent suffire à préserver le film et son contenu. Nous verrons donc dans cette section quatre stratégies qui peuvent être utilisées pour préserver l’œuvre cinématographique, soit la simple duplication de la pellicule vers une autre pellicule, le transfert du film vers une source vidéo, la restauration numérique et, finalement, la numérisation.

La duplication du film vers le film peut être considérée principalement pour deux raisons. Dans un premier cas, la duplication est simplement le fait de faire une copie du contenu d’une pellicule vers une autre, dans le cas où l’original est dans un mauvais état de conservation. Dans le second cas, la duplication part d’un original en bon état pour en faire des copies de préservation et de diffusion, assurant ainsi la préservation de la copie originale (National Film Preservation Foundation 2004, 42).

Le transfert du film vers une source vidéo n’est pas utilisé pour la préservation du contenu de la pellicule, mais pour sa diffusion, pour faire des copies d’accès, puisque les bandes vidéo ne sont pas considérées de qualité pour la préservation. Le fait d’utiliser des bandes vidéo a par contre l’avantage d’améliorer la diffusion des œuvres cinématographiques, qui était plus difficile et compliquée lorsque le contenu était seulement sur pellicule film.

Le transfert du film peut se faire vers un ruban vidéo analogique ou numérique. La bande analogique est peu coûteuse, mais la qualité de l’image et du son est faible. Par contre, ces copies sont faites pour la consultation, non pas pour la préservation ou la diffusion de grande qualité. Le VHS et la Betacam SP sont les deux rubans vidéo principalement utilisés. La bande vidéo numérique, telle la Betacam numérique, est de meilleure qualité tant au niveau de l’image que du son et peut donc être utilisée pour la diffusion. De plus, contrairement aux bandes vidéo analogiques, elle subit moins de perte de qualité lorsqu’elle est copiée (National Film Preservation Foundation 2004, 43).

Il est aussi possible de considérer la numérisation comme une autre méthode de préservation du film. Bien que certains valorisent la copie du film vers une autre pellicule film, support stable lorsque entreposé dans un environnement contrôlé, d’autres s’allient à l’idée que la numérisation du film en un fichier numérique est la solution de préservation. Les tenants de la solution physique argumentent que la numérisation ne peut actuellement rendre toute la qualité du son et de l’image, malgré des techniques de numérisation avancées. De plus, cette solution n’aurait pas encore de « valeur archivistique ». Finalement, l’objet numérisé nécessite de nombreux rafraîchissements et ceux-ci peuvent corrompre ou, à tout le moins, modifier de façon importante le fichier (Chodorov 2002, p. 97-98). Par contre, les tenants de la numérisation argumentent en faveur de la baisse des coûts, de besoin d’espace physique, de la facilité d’accès et de diffusion, etc. (Carou 2003).

D’un point de vue archivistique, et ce compte tenu de la stabilité de la pellicule film et des conditions connues de préservation de celle-ci, il semble que la meilleure façon de préserver le film soit de le faire sur pellicule. Par contre, la numérisation est actuellement une excellente façon de diffuser l’œuvre cinématographique, par l’entremise des DVD par exemple. Par ailleurs, plusieurs groupes de recherche travaillent actuellement aux questions de préservation, d’intégrité, d’authenticité des documents numériques. Il est donc tout à fait possible que dans quelques années, la numérisation soit considérée aussi comme une excellente solution de préservation (National Film Preservation Foundation 2004, 43-44).

Nous avons inclus la restauration numérique dans la section Stratégies de préservation, bien qu’elle aurait pu aussi faire partie de la sous section Préparation de la pellicule puisqu’elle est en fait à mi-chemin entre une réparation et une stratégie de préservation. La restauration numérique est un procédé qui permet d’apporter des corrections telles l’élimination de poussières, de marques de collures, de rayures ainsi que la correction couleur, etc. Pour ce faire, l’information contenue sur la pellicule film doit être numérisée puis traitée à l’aide d’un ordinateur et d’un logiciel dédié. Le programme peut faire une partie du travail de façon automatique, à l’aide d’algorithmes compensatoires, mais l’intervention humaine est nécessaire. Lorsque la restauration est terminée, il est possible de transférer à nouveau l’information sur une pellicule film ou encore de continuer le travail numériquement. La compagnie da Vinci a développé un programme du nom de revival11 qui permet de réparer et de restaurer numériquement les images.

Ainsi, la restauration numérique est, d’une part, une façon de « réparer » l’information contenue sur la pellicule film après numérisation et, d’autre part, une façon de préserver l’information contenue sur la pellicule film en la restaurant puis en la rendant à nouveau disponible au public. D’ailleurs, pour les films qui, par exemple, ont rétréci, il existe des numériseurs qui fonctionnent sur le même principe que nos numériseurs maison et qui permettent de faire une image du film, de la restaurer puis de la retransmettre dans le format voulu. La compagnie Digital Systems a développé une série d’appareils qui permet de faire tout le processus de postproduction entièrement numériquement, ce qu’on appelle « l’intermédiaire numérique ». Des systèmes, tels le ArriScan, permettent de numériser le film alors que le ArriLaser permet de passer du fichier numérique au film (Digital Systems 2005).

5. Enjeux de la préservation du film

Cet article sur la préservation du film ne pouvait se terminer simplement sur des considérations techniques et pratiques, quoique ces dernières soient très importantes. Nous désirions aussi présenter, dans la présente section, quelques enjeux archivistiques, économiques et technologiques reliés à la question de la préservation du film.

5.1 Enjeux archivistiques

Nos premières réflexions porteront sur les considérations archivistiques de la préservation du film, que l’on associe ici à l’aspect patrimonial. Un des buts de la préservation est de conserver des objets dans de bonnes conditions afin d’en permettre la diffusion et la consultation. En effet, il ne servirait à rien d’investir en ressources humaines, matérielles et financières pour préserver des documents qui ne seront jamais consultés. On conserve, entre autres, pour diffuser.

Mais les films, comme tous les documents produits au cours de l’histoire humaine, ont aussi une valeur patrimoniale. Ils permettent souvent de témoigner de l’époque qui les a vu naître et sont sources de loisir, d’information, de plaisir intellectuel, comme, par exemple, peuvent l’être les œuvres littéraires. À ce titre, ils méritent d’être préservés, tout autant que les manuscrits des grands écrivains. À partir du moment où il est admis et accepté que les œuvres cinématographiques doivent être préservées, il importe d’assurer leur préservation à long terme. Il est donc nécessaire que la communauté archivistique et les institutions conservatrices investissent pour avoir les ressources nécessaires afin d’assurer la survie de tout ce patrimoine. Autrement, la valeur patrimoniale n’a plus de sens.

#Ajoutons que les enjeux archivistiques ne peuvent être considérés de façon isolée, et il en est de même pour le travail des archivistes et conservateurs de l’audiovisuel. En effet, tous doivent considérer les questions économiques et technologiques comme nous le verrons dans les deux prochaines rubriques.

5.2 Enjeux économiques

Les enjeux économiques relatifs à la préservation du film sont très importants, voire probablement les plus importants. Nous présenterons deux perspectives différentes, soit celles des institutions conservatrices et celles de la diffusion. Ainsi, les institutions conservatrices doivent s’assurer d’avoir les ressources nécessaires pour garantir la préservation des films dont elles ont la garde. Malgré toute la bonne volonté qu’une organisation puisse avoir, si elle n’a pas les moyens de maintenir les conditions de préservation nécessaires, la conservation des collections cinématographiques sera mise en péril. En effet, les collections de films nécessitent beaucoup d’espace ainsi que des conditions d’entreposage très particulières qui exigent de la part des institutions de se conformer à des normes strictes qui leur demandent des investissements importants. De plus, ces mêmes institutions doivent s’assurer d’avoir du personnel qualifié. Les institutions doivent donc avoir les moyens de répondre à toutes ces exigences.

Par ailleurs, les enjeux économiques sont aussi très présents du point de vue de la diffusion. Un exemple très simple est celui du marché du DVD. En effet, les DVD, avec tous les extras qu’ils comprennent, ont modifié la façon de percevoir le matériel film et ce, tant le produit final que les séquences inutilisées au montage final. Les chutes, parfois considérées auparavant comme inintéressantes ou inutiles, sont devenues une denrée qui permet de vendre un produit et qui, par la valeur ajoutée, permet à l’industrie cinématographique d’augmenter ses revenus. Nous reprenons d’ailleurs à cet effet une citation du vice-président de la restauration du film chez Sony, tirée de l’article de Chute : « Market-driven formats like DVD are the biggest boom to film restoration at the moment » (Chute 2005). Ainsi, d’une part, la venue d’un tel marché a possiblement amené l’industrie du cinéma à prendre plus sérieusement en considération la préservation des productions cinématographiques et, d’autre part, à considérer non pas uniquement la préservation du produit fini, mais bien aussi de tout le matériel tourné mais inutilisé au montage final.

5.3 Enjeux technologiques

Nous imaginons aisément qu’un travail exploratoire sur la préservation du film comme celui-ci, réalisé il y a 10 ans, n’aurait peut-être pas nécessité une section portant sur les enjeux technologiques. Le milieu du cinéma, comme tous les autres milieux, a vu émerger puis s’immiscer la technologie dans toutes les sphères de la société. Nous n’avons qu’à revenir à la rubrique sur la restauration numérique pour réaliser toute l’ampleur et la portée que peut avoir la technologie pour le milieu cinématographique, mais aussi pour le milieu de la préservation. Nous revenons ici à ce que nous avons déjà abordé dans la rubrique sur les enjeux archivistiques relativement à la nécessité, pour les archivistes et les conservateurs du film, de ne pas considérer la préservation en vase clos.

La restauration et la préservation du film sont maintenant des activités qui concernent plusieurs communautés. En effet, tant les institutions à but patrimonial ou muséal que les industries à but lucratif sont concernées. Bien que les mandats et objectifs de l’une puissent être totalement différents de ceux de l’autre, il n’en demeure pas moins que les possibilités offertes par la technologie peuvent être pertinentes pour toutes ces organisations. De même, la collaboration entre ces diverses organisations peut conduire à des résultats intéressants pour tous. Il importe donc que les institutions vouées à la préservation de collections cinématographiques s’ouvrent aux technologies appropriées à leur mission.

6. Conclusions

Cet article nous a permis d’explorer les principaux éléments à considérer lorsque l’on s’intéresse à la question de la préservation du film. Nous avons d’abord discerné les principales caractéristiques du film, à savoir sa composition, ses différents formats et ses types. D’ailleurs, force est de constater que nous serons encore amenés pour quelques années, voire quelques décennies, à traiter des films dont la composition variera et qui exigera de nous d’agir en fonction de ces particularités.

Nous avons aussi découvert les différents dommages qui peuvent affecter le film physiquement, biologiquement et chimiquement. Encore ici, le fait que les collections dans les institutions soient diversifiées exigent de la part des archivistes, ou de tout intervenant, de connaître non seulement le matériel mais aussi ses problèmes, ses faiblesses, de même que les façons d’y remédier, ou à tout le moins d’éviter la dégradation complète.

Nous avons aussi pu observer les différentes étapes nécessaires à la préservation du film, qui sont maintenant influencées par la technologie et ce, principalement lorsqu’il est question de stratégie de préservation. Par contre, nous retenons que dans tous les cas, il faut d’abord s’assurer du bon état du matériel film et de la qualité de son entreposage, sans quoi toute stratégie de préservation est vaine. Quant aux enjeux archivistiques, économiques et technologiques relatifs à la préservation du film, nous retenons qu’ils sont de plus en plus intimement reliés et ce, en fonction des développements technologiques.


Notes

  1. Les termes et expressions film, pellicule, pellicule film et pellicule cinématographique seront considérés comme synonymes.retour
  2. Le terme épaisse est ici très relatif. En effet, la base est une couche plus épaisse comparée à l’émulsion, mais elle demeure tout de même mince à nos yeux!retour
  3. Un film de nitrate peut s’autoenflammer à partir de 40 °C (CREPUQ 2001, p. 9). retour
  4. Notons que sur le site de National Screen and Sound archives, on indique dans le glossaire, sous le terme Polyester, qu’il est aujourd’hui accepté que le polyester pourrait lui aussi, à un certain niveau, être sujet au syndrome du vinaigre.retour
  5. Notons que nous n’avons pas réussi à trouver, en français, la différence entre mold et mildew. Nos quelques recherches nous indiquent que ces deux termes sont synonymes, ce qui fait que nous utilisons le terme moisissure pour mold et mildew et champignon pour fungi, bien que les trois soient des moisissures! retour
  6. Comme nous l’avons mentionné en note dans la rubrique sur la pellicule film à base de polyester, il est maintenant reconnu qu’il peut lui aussi être affecté par le syndrome du vinaigre.retour
  7. Nous n’avons pas réussi à trouver la traduction française de l’expression square on reel. Nous avons bien trouvé l’expression rouleau étoilé, mais nous ne saurions être assurée que l’une et l’autre expriment la même idée (Archives publiques de l’Ontario 2005).retour
  8. Bien que le film à base de polyester soit reconnu pour durer longtemps, voire même jusqu’à 10 fois plus longtemps que le film à base d’acétate, la décoloration qui advient nécessairement à tous les films couleur arrivera aussi pour les films à base de polyester, et leur longévité ne pourra rien y faire.retour
  9. Le terme dessicatif signifie « qui a la propriété de dessécher » (Version électronique du Nouveau petit Robert : dictionnaire alphabétique et analogique de la langue française, 2001).retour
  10. Contenant qui peut être simplement un sac de congélateur résistant.retour
  11. D’ailleurs, sur le site de da Vinci, on indique sous le nom revival la mention suivante : Digital Film Repair and Restoration (revival 2005).retour

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EBSI > Cursus > Vol 9 no 1 > Suzanne Mathieu Dernière mise à jour : 3 avril 2006