ISSN 1201-7302 | Cursus vol. 10 no 1 (printemps 2007) |
Cybèle Laforge
Cursus est le périodique électronique étudiant de l'École de bibliothéconomie et des sciences de l'information (EBSI) de l'Université de Montréal. Ce périodique diffuse des textes produits dans le cadre des cours de l'EBSI.
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Cybèle Laforge est titulaire d’une maîtrise en Sciences de l’information de l’Université de Montréal depuis 2006. Après avoir travaillé plusieurs années en bibliothèque publique, notamment à la référence, elle s’est intéressée à l’étude du livre ancien dans les collections de la Bibliothèque nationale du Québec (intégration d’une collection de livres rares) et de l’UQÀM (expositions sur le livre humaniste du XVIe siècle, conception d’un site Web). Elle a ensuite œuvré au projet de réaménagement des espaces de la Bibliothèque de l’Université Laval. Depuis septembre 2006, elle enseigne en Techniques de la documentation au collège François-Xavier-Garneau à Québec.
Le récit de voyage existe de très longue date. L’on n’a qu’à songer à l’Odyssée d’Homère ou au Livre des merveilles de Marco Polo pour entrevoir la profondeur des racines de ce genre narratif à travers les âges et les multiples formes qu’il a pu revêtir. Si les chercheurs universitaires ont souvent dédaigné ces écrits comme un genre mineur de peu d’intérêt, plusieurs relations de voyages furent de véritables succès de librairie, et l’on ne peut plus désormais passer sous silence leur importance.
Cet article propose ainsi de s’attarder au phénomène particulier des récits de voyage en Nouvelle-France. En effet, il est évident que ces écrits sont à la base de l’histoire de notre pays : leur importance politique, économique et stratégique a eu une influence directe sur la colonisation. Que le but d’une exploration soit de découvrir un passage vers l’Asie, de recenser les richesses naturelles ou d’évangéliser les nations amérindiennes, toujours sa narration écrite aura une portée directe sur les décisions du pouvoir français concernant sa nouvelle colonie.
Les nombreux explorateurs de la Nouvelle-France produiront des récits de voyage dont le style, purement factuel au départ, deviendra de plus en plus littéraire, d’abord pour intéresser les puissants mais aussi afin de répondre à l’engouement du public européen pour ce genre « exotique ». Une part de fabulation pourra d’ailleurs, parfois, agrémenter des faits censément rigoureux… Ces récits d’exploration connaîtront en outre une seconde vie au XIXe siècle, au Québec cette fois, alors qu’ils seront redécouverts et reconnus en tant que fondements de notre identité et de notre littérature.
Lorsque l’on parle de récits de voyage en Nouvelle-France (ou plutôt concernant la Nouvelle-France, puisque ces textes étaient publiés en Europe, absence d’imprimerie locale oblige), il faut d’abord insister sur leur valeur fondamentalement informative. Ces écrits sont en premier lieu ceux d’explorateurs, qui doivent rendre compte de leurs découvertes aux puissants qui les ont mandatés pour les faire. Les explorations en Amérique sont presque toujours liées à des motifs économiques et politiques, à l’exception notable des expéditions des coureurs des bois. Ceux-ci, en effet, effectueront souvent de longs périples sur ces terres nouvelles par goût personnel de l’aventure et par désir de s’enrichir grâce aux fourrures, mais publieront rarement leurs expériences. La grande majorité des récits publiés proviennent de véritables expéditions qui sont organisées et subventionnées par des instances haut placées; c’est d’ailleurs un trait caractéristique des relations de voyage de toujours contenir un texte liminaire dédié à un personnage d’influence, dont la protection est garante de l’utilité et même de la nécessité du voyage. Trois grandes raisons sont couramment invoquées pour justifier l’expédition : d’abord, la découverte du passage vers l’Ouest et la mer de Chine, qui est le grand but des premières explorations et qui persistera longtemps; ensuite, le repérage de richesses naturelles devant profiter à la Mère Patrie (fourrures ou mines de métaux précieux par exemple); et enfin, l’incontournable conversion des âmes des « Sauvages » afin d’assurer leur salut. Il est d’ailleurs important de mentionner que les religieux missionnaires furent d’infatigables explorateurs, auxquels on doit nombre d’avancées territoriales en Amérique.
Les commanditaires de ces périples désirent donc tout naturellement en recevoir des comptes, puisque des sommes ont été investies dans la perspective que ces découvertes puissent rapporter en retour, selon les ressources mises au jour par le voyageur. Le récit de voyage doit ainsi toujours rendre compte de richesses, qu’elles soient matérielles ou spirituelles. Dans le cas où une exploration ne serait pas concluante, les détenteurs du pouvoir peuvent parfaitement décider de ne plus confier de nouvelles missions à un explorateur, ou de lui fermer ses entrées à la Cour ou chez le gouverneur, ce qui peut évidemment ruiner une carrière. Le protagoniste d’un tel périple a donc tout intérêt à mettre en valeur ses succès.
Manuscrit ou publié, un récit d’exploration n’est presque jamais sans contenir des allusions aux services rendus par celui qui le rédige, sans faire la promotion de celui-ci auprès de gens précis ou auprès d’un vaste public ou, plus largement, sans défendre des intérêts coloniaux. (Berthiaume, 1990, 111)
Or, paradoxalement, ces explorations sont souvent des échecs : qu’on pense à Jacques Cartier qui ramène du fer et du mica au lieu de l’or et des diamants espérés, à Samuel de Champlain qui ne découvre jamais le fameux passage vers l’Orient ou à une multitude d’autres voyageurs envoyés en vain à la recherche d’un accès au Pacifique… Les récits d’explorations en Nouvelle-france développent donc la particularité de toujours présenter les faits d’un point de vue positif qui a tendance à « héroïser » leurs auteurs; si le but premier de l’expédition échoue, c’est toujours en raison de facteurs indépendants d’eux-mêmes. De plus, même soumis à l’adversité, les protagonistes font preuve de courage et de ruse afin de faire fructifier l’expédition malgré tout. Au final, leur mission est presque toujours présentée comme un beau succès. Toutes les choses vues, les paysages rencontrés, les nouveaux liens établis avec des nations indiennes et les informations que ces dernières relatent aux voyageurs sur ce qu’il y aurait à découvrir plus loin, sont présentés comme des atouts au pouvoir français; atouts qu’il convient d’affermir par la colonisation ou de nouvelles explorations, dont l’auteur de la relation serait évidemment le mieux placé pour les effectuer… Cette propension à présenter les choses sous un aspect particulièrement positif se remarque aussi dans la manière qu’ont les rédacteurs de ces récits de décrire les paysages rencontrés selon un barème où la beauté devient synonyme de potentiel de colonisation :
Ainsi, les descriptions encyclopédiques transforment le paysage en un interminable inventaire de plantes, de fruits, d’animaux ou de produits minéraux, qui permet de recenser les éléments « utiles » de la nature et de présenter une somme des richesses du pays qu’on se propose de coloniser. Dans ces taxinomies pointilleuses, et donc apparemment plus crédibles, les différents éléments sont accompagnés d’adjectifs peu expressifs, pléonastiques puisque interchangeables, et suggérant quelquefois une idée d’abondance : beau, grand, plaisant, copieux, curieux, rare, riche, merveilleux, extraordinaire… La beauté ne renvoie pas à une catégorie esthétique, mais devient un critère qui permet d’encourager une implantation humaine. (Carile, 2000, 40)
Ce besoin de convaincre des interlocuteurs amènera d’ailleurs les récits d’exploration à passer d’une fonction purement informative et factuelle à un style plus littéraire. À la base, les explorateurs tiennent des carnets de bord en vue de rédiger un simple rapport chronologique des événements à ceux qui les ont mandés pour ce voyage. Leur souci n’est donc pas tourné vers une présentation thématique de l’information recensée, encore moins vers une belle rédaction plaisante à lire. Lorsque leurs récits seront destinés à la publication, ce qui deviendra plus fréquemment le cas avec la mode croissante des récits de voyage en Europe aux XVIIe et XVIIIe siècles, les explorateurs organiseront mieux leurs écrits et tenteront de mettre davantage l’accent sur le dépaysement et le « merveilleux » de leurs découvertes. La fonction des récits de voyages publiés, et donc destinés à un lectorat plus vaste, est rapidement devenue double : il s’agit toujours de proposer une lecture utilitaire et informative, mais en même temps une lecture de divertissement pour le plaisir de celui qui connaît ainsi le dépaysement et l’aventure sans quitter son fauteuil.
Une illustration intéressante de l’évolution que peut prendre ce genre se retrouve dans les œuvres de Samuel de Champlain : alors que le liminaire de son premier récit de 1603 parle seulement de « rendre fidele temoignage de la verité » et celui de 1613 de présenter un « Journalier des Voyages & descouvertures », dans la dédicace du récit de 1619 Champlain « estime que V.M. [Votre majesté] prendra un plus grand plaisir qu’aux precedents » puisque « en celuy-cy vous y pourrez remarquer plus particulièrement les mœurs & façons de vivre de ces peuples, tant en particulier que general […], servant à contenter un esprit curieux […]. » (Ouellet, 1993, 236). De plus, son dernier ouvrage publié en 1632 change réellement de forme : ce n’est plus une succession de faits chronologiques qui est présentée, mais une organisation thématique des lieux, des événements et des tribus amérindiennes, tout cela dans le but de valider et de renforcer son projet de colonisation.
Les liens des récits de voyage avec le pouvoir ne font pas de doute; toutefois, il existe deux niveaux de pouvoir en Nouvelle-France, le pouvoir colonial et celui de Paris. Or, ceux-ci seront parfois en contradiction sur la question des explorations. Au niveau colonial, on remarque une tendance générale à l’expansion territoriale, particulièrement marquée chez l’intendant Talon et le gouverneur Frontenac, qui prônent la fondation d’un État qui s’étendrait du Saint-Laurent jusqu’au Mexique. Cette tendance n’est pas partagée par la métropole française, qui préconise au contraire un resserrement de la colonie le long des rives du Saint-Laurent pour éviter une dispersion du peuplement et ainsi un affaiblissement de la Nouvelle-France. Bien sûr, les autorités coloniales sont subordonnées à la métropole, mais celle-ci étant fort éloignée, la France peut difficilement veiller à l’application de toutes ses directives. Ainsi, dans les faits, ces préceptes de resserrement seront fort peu suivis et la Nouvelle-France étendra son territoire de façon exponentielle, jusqu’au Golfe du Mexique.
Les missionnaires jésuites et récollets joueront encore un rôle important dans cette expansion, soucieux d’étendre la Révélation aux nations indiennes plus éloignées. Mais les principales raisons sont d’abord économiques : il y a encore la quête du passage vers l’Ouest et les richesses de l’Asie; ensuite, l’attrait des fourrures qui sont toujours plus belles à mesure qu’on monte vers le Nord; et enfin, le désir d’explorer ce grand fleuve dont les Français ont entendu parler par les Indiens et qui traverserait le continent jusqu’à une mer que l’on espère être celle de Chine. Le Mississipi et la Louisiane, avec leurs tribus souvent amicales et leur doux climat, seront bientôt le nouveau rêve de la France. Bien que l’on soit déçu que la mer rencontrée ne soit pas celle de l’Ouest, cette terre offre de bons avantages stratégiques aux Français, qui pourraient ainsi accéder à un port accessible à l’année et situé près de leurs possessions aux Antilles, en plus de se rapprocher des possessions espagnoles en vue d’un commerce ou d’une concurrence territoriale pour les mines d’argent... Les récits de voyage relatant l’exploration de la région, l’abondance de ses ressources et sa position géographique stratégique réussissent à faire valoir aux yeux de la Cour l’intérêt de créer une colonie de peuplement en Louisiane. Mais l’enthousiasme théorique de la France ne s’accompagne pas des ressources matérielles nécessaires, et l’immense territoire revendiqué par les explorateurs au nom de la Couronne française reste très peu peuplé. Lorsque se déclare la Guerre de Succession d’Espagne, en 1702, la Louisiane débute à peine son peuplement. La France, désormais prise par la mouvance des enjeux stratégiques et des batailles entre les grandes puissances européennes, abandonnera sa nouvelle colonie à elle-même durant une décennie. Les colons de la Louisiane, presque sans ravitaillement de la part de la métropole, survivront tant bien que mal grâce à l’aide de certaines tribus amérindiennes environnantes. Vers 1710, soit plus de dix ans après la véritable fondation de la colonie, celle-ci ne comptait toujours qu’environ 200 habitants. La Louisiane française, fondée sur ces bases défaillantes, ne prendra jamais vraiment son essor comme colonie de peuplement vigoureuse.
C’est ici qu’il est intéressant de noter l’influence que peuvent avoir les récits d’exploration sur les décisions de la Cour, concernant les colonies en Amérique. En effet, la décision initiale d’envoyer une garnison devant préparer le premier peuplement d’une Louisiane tout récemment revendiquée au nom de la France repose sur les récits et mémoires que Cavelier de La Salle et certains de ses acolytes font parvenir à Louis XIV et à son ministre de la Marine, le marquis de Seignelay. Or, ces récits concernant la localisation et les ressources des bouches du Mississippi sont si fortement biaisés qu’on les considère aujourd’hui comme étant carrément falsifiés. Citons le Dictionnaire biographique du Canada à ce sujet :
La Salle va donc rendre attrayant aux yeux du roi son projet d’établissement en Louisiane en présentant la colonie qu’il veut fonder comme la base idéale pour l’invasion de la Nouvelle-Biscaye. Pour ce, il consent à falsifier la géographie du Mississipi. Il fait exécuter des cartes où le fleuve Colbert, comme il appelle le Mississipi, dévie de 250 lieues vers l’Ouest de sa course réelle, pour déboucher dans le golfe à proximité du Nouveau-Mexique. On ne peut ici, à la décharge de l’explorateur, plaider l’erreur involontaire : même s’il a perdu sa boussole chez les Illinois, il est trop bon observateur – il l’a déjà prouvé – pour se leurrer à ce point sur la direction générale du cours du Mississipi. (Dictionnaire biographique du Canada « Cavelier de La Salle, René-Robert », par Céline Dupré)
La mission dont échoit Cavelier de La Salle, fondée sur ces fausses prémisses, sera un échec lamentable; il y perdra lui-même la vie en 1687, assassiné par certains membres de l’expédition qu’il s’était mis à dos, après que la plupart de ses soldats et de ses colons eurent perdu la vie dans diverses circonstances (attaques amérindiennes, naufrages, maladies). Il faudra attendre Pierre Le Moyne d’Iberville, une quinzaine d’années plus tard, pour que la Louisiane commence réellement à exister. Cet exemple est révélateur du pouvoir que peut revêtir l’écrit dans le cadre des missions d’exploration : la manière de présenter les choses et la modification de certains faits, qui peut aller jusqu’à la falsification, exercent une influence directe sur les décisions politiques concernant les nouveaux établissements en Amérique.
Quelles furent les modalités de publication de ces récits? Il faut dire en premier lieu que les explorateurs ne relataient pas toujours par écrit leurs aventures (on n’a qu’à songer à tous les coureurs des bois qui allèrent sûrement fort loin, mais dont on ignore beaucoup de choses aujourd’hui car peu ont laissé des traces). Or, ces récits, lorsqu’ils étaient rédigés, n’étaient pas nécessairement publiés, ou l’étaient parfois bien des années après les faits racontés, pour toutes sortes de facteurs. Une raison importante était ainsi liée aux guerres internationales de la France, laquelle n’avait évidemment pas avantage à ce que des informations concernant la géographie de ses territoires en Amérique et ses alliances et rivalités chez les tribus indiennes puissent se retrouver en des mains ennemies.
On retrouve un exemple de ce phénomène avec le récit de la dernière expédition de La Salle en Louisiane par Henri Joutel. Celui-ci faisait partie du funeste voyage dont peu des quelque 300 membres devaient revenir vivants. Joutel, un bourgeois de Rouen, était le bras droit de La Salle et devait consigner par écrit le déroulement de l’expédition. Il sera l’auteur de la principale relation que l’on ait de cette tentative de colonisation ratée, partie des rivages de France en 1684 à la recherche de l’embouchure du Mississippi que La Salle n’arrivera pas à retrouver dans le Golfe du Mexique. On conserve quelques témoignages écrits de cette expédition, mais le principal est le Journal historique du dernier Voyage que feu M. de la Sale fit dans le Golfe de Mexique [...] de Henri Joutel, qui ne fut publié qu’en 1713, soit 26 ans après la fin du périple qui se termina à peu près avec l’assassinat de La Salle en 1687. La raison de ce délai important en est bien sûr la Guerre de Succession d’Espagne; les informations narrées par Joutel dans son récit, concernant les possessions françaises en Amérique, avaient une valeur stratégique que la France ne pouvait se permettre de laisser publier. Ce n’est qu’avec le traité d’Utrecht en 1713 que le récit de Joutel sera autorisé à paraître. On constate ainsi que les liens des récits de voyage avec le pouvoir politique peuvent exercer une influence sur leur publication. Ceci sera toujours avéré, mais c’est particulièrement le cas au XVIe siècle et dans la première moitié du XVIIe. L’on verra par la suite l’apparition d’une forte demande du lectorat européen pour ce type d’ouvrages. Cette mode fera en sorte que certaines relations de voyage pourront être publiées par des éditeurs conscients de cette demande de lecteurs européens avides d’exotisme, sans que des considérations économiques, politiques ou stratégiques ne conditionnent leur parution. L’ouvrage de Louis Hennepin, qui sera abordé un peu plus loin, en est un bel exemple.
Qui étaient les auteurs de récits de voyage? Ce sont souvent des missionnaires ou des officiers; une certaine éducation était requise pour pouvoir rédiger ces écrits, même dans le cas où ils n’étaient destinés qu’aux instances mandataires de l’expédition et n’avaient donc pas à tenir compte d’une rédaction de style « littéraire ». Dans le cas où il était décidé que ces récits allaient être publiés, il pouvait arriver que d’autres auteurs plus « professionnels » soient chargés d’une certaine réécriture. Ces circonstances, ainsi que le phénomène des traductions assez fréquentes, ont pu donner lieu à des modifications légères ou parfois prononcées de certains textes. Les récits de voyage, particulièrement au XVIIIe siècle, pouvaient être biaisés plus ou moins subtilement pour appuyer des idées ou des courants de pensée. De plus, il est important de rappeler que la notion de droit d’auteur n’existait pas alors...
Les auteurs de récits de voyage, donc, sont généralement des hommes possédant un certain rang au sein de la colonie, que ce soit au niveau administratif, clérical ou militaire. Le roi ou le gouverneur ne confiait pas ces missions importantes au premier venu. Il ne s’agissait toutefois pas de personnages haut placés, pour la simple raison que ces voyages d’exploration constituaient une façon de se faire bien voir pour des hommes en quête d’avancement au sein de la colonie ou en France. La découverte de terres prometteuses pouvait être une excellente manière de se hisser dans la hiérarchie sociale et d’améliorer ou de démarrer une carrière. Cette perspective de promotion rapide compensait les conditions de vie habituellement très dures de ces expéditions sous un climat capricieux et souvent rigoureux.
Il serait impossible de présenter tous les auteurs de relations de voyage en détail, ni même de tous les recenser ici puisque ces récits sont extrêmement nombreux, tout en étant évidemment d’inégale importance. Plusieurs de ces auteurs sont cependant incontournables : certains virent leurs écrits connaître un retentissement notable à l’époque même de leur publication, alors que d’autres furent moins considérés par leurs contemporains, pour cependant connaître ce que l’on pourrait appeler une « gloire tardive » lorsqu’ils qu’ils furent redécouverts par certains archivistes et historiens au XIXe siècle.
Il y eut d’abord ceux que l’on pourrait nommer les « fondateurs » : Jacques Cartier et Samuel de Champlain. De Cartier, il est intéressant de remarquer que ses récits de ses voyages ne semblaient pas être immédiatement intéressants pour une publication en France, et ne furent pas très connus de son temps. Le récit de son premier voyage fut d’abord publié en italien à Venise en 1565, puis en anglais en 1580, et finalement en français en 1598 seulement (c’est entre autres sur ce dernier texte que s’est fondé Marc Lescarbot pour la rédaction de son Histoire de la Nouvelle France); on ignore aujourd’hui ce qu’est devenu le manuscrit original en français de la rédaction du premier voyage de Cartier. La relation de sa seconde expédition en Amérique a été publiée en français dès 1545, mais sans nom d’auteur. Le manuscrit original qui servit à cette édition n’a pas non plus été retrouvé. Enfin, le récit du troisième voyage parut d’abord en traduction anglaise, dans une version incomplète d’après un manuscrit français qui fut ensuite, lui aussi, perdu; cette version anglaise lacunaire est donc le seul vestige que l’on ait de cette dernière expédition. La paternité de ces récits est un autre problème : on ignore qui en est précisément l’auteur. Probablement ont-ils été rédigés dans un style plus littéraire à partir du journal de bord de Jacques Cartier. Ce dernier aurait-il pu réécrire lui-même la narration de ses expéditions? Dans ce cas, pourquoi ces récits sont-ils anonymes? On a aussi prétendu que Cartier n’avait pas les talents littéraires nécessaires, mais cela est difficile à prouver, comme on ne peut pas étayer avec certitude qu’il possédait ces talents… La question, encore aujourd’hui, reste ouverte.
Le véritable intérêt des éditeurs pour la Nouvelle-France ne commença qu’avec Champlain, qui publia quatre ouvrages relatant ses voyages et les débuts de la colonisation française en Amérique du Nord, en 1603, 1613, 1619 et 1632. On lui attribue parfois un autre manuscrit, le Brief discours des choses plus remarquables que Samuel Champlain de Brouage a reconneues aux Indes occidentales…, qui narrerait un épisode peu connu de la jeunesse de Champlain où il aurait voyagé jusqu’en Amérique centrale à partir de l’Espagne, accompagnant l’armada régulière du capitaine Coloma dans son voyage annuel aux Antilles et au Mexique. Ce manuscrit fut découvert en France au XIXe siècle et tout de suite inclus aux œuvres de l’explorateur avec l’enthousiasme de pouvoir mieux connaître sa jeunesse. Toutefois, l’authenticité de la paternité de ce texte par Champlain est aujourd’hui sérieusement mise en doute par plusieurs chercheurs. Trop d’inexactitudes le parsèment, et plusieurs circonstances de cette narration paraissent douteuses suite à un examen historique approfondi. Il a été aussi établi que ce récit n’est pas un manuscrit original. La question n’est pas réglée, mais le fait demeure que Champlain lui-même n’a jamais publié ce manuscrit. Ainsi que le suggère Marcel Trudel : « …cette œuvre n’est pas de lui ou, si elle l’est, il ne l’a pas jugée digne de paraître. […] Jusqu’à ce que l’original soit retrouvé, on n’a pas le droit de verser le Brief discours au dossier de Champlain. » (Dictionnaire biographique du Canada « Samuel de Champlain », par Marcel Trudel)
Outre ces fondateurs que furent Cartier et Champlain, plusieurs autres auteurs de récits de voyage doivent être mentionnés : citons les récollets Gabriel Sagard et son Grand voyage au pays des Hurons ainsi que Chrestien Leclercq et sa Nouvelle relation de la Gaspésie. Pour les explorations de l’Ouest, les La Vérendrye, explorateurs de père en fils, sont incontournable même si leurs journaux ne connurent de véritable intérêt qu’au XIXe siècle. Au Nord, le coureur des bois Pierre-Esprit Radisson explora en détails la Baie d’Hudson, mais, déçu du peu de reconnaissance de ses compatriotes, il passa du côté anglais, ce qui fait qu’on le considéra comme un traître pendant longtemps, nonobstant l’importance de ses expéditions. Au Sud, Louis Jolliet et le Père Marquette découvrirent le Mississippi en 1673 mais ne se rendirent pas jusqu’à son embouchure; au retour, Jolliet chavira dans les Rapides de Lachine et son journal et sa carte furent perdus. C’est par les expéditions de Cavelier de La Salle, qui explora le delta du grand fleuve en 1682, que la Louisiane devint célèbre, bien que La Salle n’ait pas eu le temps de rédiger lui-même ses voyages puisqu’il fut assassiné en 1687, lors de sa troisième mission. On a vu que Henri Joutel, qui faisait partie du périple, en rédigea un récit paru seulement en 1713.
La grande popularité de la Louisiane en France à la fin du XVIIe et dans la première partie du XVIIIe siècle vient véritablement d’un autre ouvrage, celui de Louis Hennepin, un prêtre récollet qui faisait partie de la deuxième expédition de La Salle au Mississippi à partir de 1678. Il fut séparé de La Salle en 1680 et par la suite capturé par des Sioux et détenu durant un an chez eux. Rentré en France, il rédigea La Description de la Louisiane (publiée à Paris en 1683) qui fut un immense succès de librairie, traduit en plusieurs langues et réédité pas moins de 46 fois! Hennepin vivra avec faste pendant quelques années suite à ce succès, mais il tombera ensuite en disgrâce de façon mystérieuse et devra quitter la France. Il continuera de capitaliser sur son « best-seller » et en proposera deux versions allongées en 1697 et 1698, intitulées Nouvelle découverte d’un très grand pays […] et Nouveau voyage d’un pays plus grand que l’Europe […], qui paraîtront toutes deux en Hollande à Utrecht, haut lieu de publication pour Français malvenus dans leur propre pays… Le fait le plus intéressant dans le cas de Hennepin est que l’authenticité de son ouvrage est très sérieusement mise en doute : en effet, Hennepin prétend avoir été le premier, avant Cavelier de La Salle, à avoir atteint l’embouchure du Mississipi; mais si l’on se fie aux dates qu’il fournit, il aurait parcouru tout le fleuve en canot en trente jours seulement, ce qui paraît tout à fait impossible. Toutefois, le succès de son récit démontre (et crée en partie) le phénomène de mode exotique des récits de voyage en France, dont seront friands de plus en plus de lecteurs.
Cette mode, le célèbre baron de Lahontan l’illustrera également : ses ouvrages, publiés en 1703 et réédités maintes fois, furent également de très grands succès en Europe. Le jeune baron désargenté passa dix ans en Nouvelle-France, et entreprit d’en dresser un portrait général, autant de ses habitants, de sa faune et de sa flore que des tribus amérindiennes qui la peuplaient. Il présente des Indiens un portrait philosophique intéressant, principalement grâce à des dialogues fictifs qu’il aurait eu avec un chef indien du nom d’Adario, dont il tire prétexte pour comparer les mœurs plus naturelles des « Sauvages » avec celles, artificialisées, des Européens qui auraient tout intérêt à renouer avec l’équilibre que procure le contact avec la nature. Rousseau et d’autres penseurs s’inspireront par la suite de ces dialogues de Lahontan dans le cadre du mythe du « bon Sauvage » qui fut très populaire au XVIII e siècle. Le baron s’appuie aussi sur la comparaison avec les Indiens pour critiquer les institutions sociales et religieuses de ses compatriotes. Ses critiques des jésuites, entre autres, ne seront pas appréciées en Nouvelle-France et Lahontan se verra bientôt « montrer le chemin » vers l’Europe de façon assez claire… Il est d’ailleurs à noter que ses Voyages dans l’Amerique septentrionale seront publiés à Utrecht en Hollande, comme pour Louis Hennepin, ce qui en soit est une indication claire que Lahontan était persona non grata à Paris. L’absence de privilège et donc de contrôle sur l’édition, ainsi que la mode fulgurante des récits de voyage auprès du lectorat, récemment mise au jour par Hennepin, feront que l’année même de la parution de son livre et de son appendice Mémoires de l’Amérique septentrionale, deux éditions pirates verront le jour, qui reprenaient le texte mais avec des gravures beaucoup plus médiocres.
On ne peut pas qualifier les oeuvres de Lahontan de récits d’exploration au sens strict du terme; toutefois, Lahontan entreprit aussi un voyage d’exploration à la mystérieuse rivière Longue, à partir du lac Michigan, qui pourrait être la rivière Minnesota. Voulait-il se donner le crédit d’un véritable explorateur, chercher à se hisser à un plus haut poste au sein des forces militaires, rencontrer de nouvelles nations indiennes? Non seulement on ignore les motifs qui l’auraient poussé à ce périple, mais plusieurs historiens doutent carrément de son authenticité, comme avec Hennepin, puisque la période hivernale où Lahontan aurait voyagé ne permettrait pas une telle navigation. De plus, le baron n’aurait parlé à personne de ce voyage de découverte à son retour, alors que cela aurait pu lui procurer de l’avancement. Encore une fois, la question reste ouverte, et il est curieux de remarquer que deux des plus grands succès livresques de récits de voyage en Europe sont probablement fondés sur une part de mystification.
Un dernier récit vaut la peine d’être mentionné ici : le Voyage de Kalm en Amérique. Bien qu’il ne s’agisse pas d’un récit d’exploration, ce livre illustre en partie l’évolution que pourra prendre le récit de voyage une fois les grandes explorations accomplies pour la plupart. Pehr Kalm, un savant suédois, sera envoyé en mission d’observation scientifique en 1749 par le gouvernement de Suède pour étudier la botanique au Canada, afin de vérifier si elle pourrait se comparer à celle de la Suède en raison des climats nordiques similaires, et s’il serait possible d’importer certaines plantes canadiennes qui pourraient être utiles à l’industrie agricole scandinave. Pehr Kalm ne se contentera pas d’étudier la botanique canadienne; le récit qu’il publie de son voyage, d’abord en suédois puis bientôt traduit en anglais et en français, présente une mine de renseignements sur la société en Nouvelle-France, autant du point de vue des institutions religieuses, politiques et économiques que des mœurs et coutumes de ses habitants et des Amérindiens, sur lesquels il se renseigna beaucoup. La faune et la flore y sont aussi, bien sûr, traitées en détails. Le récit du voyage de Pehr Kalm, dans une Nouvelle-France sur le point de disparaître au terme de la Guerre de Sept Ans qui approche, représente un témoignage précieux d’un homme impartial du fait de son origine et privilégiant de surcroît l’observation neutre que procure une formation scientifique.
La réception de ces œuvres en Europe variera selon les époques, mais on a vu que ces récits porteurs de dépaysement bénéficiaient souvent de la faveur d’un public avide d’exotisme. Une caractéristique encore plus intéressante vient toutefois de la nouvelle réception qu’on leur fera ici même au cours du XIXe siècle. En effet, dès le début de ce siècle, ces récits d’explorateurs commenceront à être redécouverts par des Canadiens français désireux de retourner aux sources de leur histoire pour affirmer leur identité face à plusieurs historiens anglais de l’époque. En effet, ces derniers écrivent alors une histoire qui glorifie la civilisation anglaise au détriment du régime français; les Canadiens, comme l’affirmera bientôt le célèbre rapport Durham, sont vus comme « un peuple sans histoire ni littérature ». Or, ces récits d’exploration fondent au contraire un passé aventureux, brave et glorieux, que les recherches des premiers archivistes québécois contribueront beaucoup à découvrir ou à redécouvrir.
Au fil du XIXe siècle, les travaux s’accélèreront. En France, l’archiviste de la Marine Pierre Margry trouve plusieurs manuscrits de grande valeur qui traitent des voyages d’exploration. À Québec, l’abbé Laverdière se lance dans une réédition d’une grande qualité des ouvrages de Champlain, qui paraît en 1870. Plusieurs récits méconnus sont exhumés, certains connaissent une seconde vie, alors que l’on réhabilite certains explorateurs comme Radisson et que l’on découvre l’importance de certains autres comme les La Vérendrye père et fils. Bref, ces récits des voyageurs de la Nouvelle-France contribueront certainement à définir l’identité distincte du peuple canadien français.
Il faut enfin mentionner l’importance des premiers compilateurs des récits de voyage, qui contribuèrent beaucoup à les faire connaître à l’époque de la colonie française, en publiant des synthèses « historiques » des explorations et des événements de la Nouvelle-France : citons Marc Lescarbot, Bacqueville de la Potherie, et le célèbre père François-Xavier de Charlevoix. Bien qu’ils n’aient pas été eux-mêmes des explorateurs, leur apport à la diffusion de cette littérature est incontournable, et leurs Histoires de la Nouvelle-France seront aussi réétudiées en profondeur au XIXe siècle québécois. D’ailleurs, l’historien François-Xavier Garneau se fondera beaucoup sur le jésuite Charlevoix pour son Histoire du Canada.
On peut ainsi constater que les récits de voyage dans le Nouveau Monde, bien que longtemps considérés comme appartenant à un genre mineur, constituent un corpus important de la littérature européenne à partir du XVIe siècle et fondent, pour une large part, un héritage historique incontournable pour l’Amérique tant d’origine française que britannique. Le témoignage direct qu’offrent ces hommes au cœur de l’action et de la pénétration du continent est une mine de renseignements, autant pour l’historien que pour l’anthropologue. En outre, le champ des études littéraires s’intéresse désormais lui aussi à ces récits, dont la forme et le mode d’énonciation particuliers sont grandement déterminés par leur destinataire premier : les autorités politiques de l’époque.
Devant l’absence du passage recherché vers l’Asie, les explorateurs appuieront leurs récits sur le potentiel d’exploitation de ressources naturelles diverses ainsi que sur la noble mission d’évangélisation des autochtones, de même que sur la nécessité d’une implantation française durable pour parvenir à ces fins. Ces auteurs, censés respecter scrupuleusement les faits des aventures qu’ils narrent, se verront parfois tentés d’agrémenter leurs récits d’une part de fabulation, avec des conséquences pouvant s’avérer funestes. Cet apport grandissant de la fiction, ou à tout le moins d’un style plus littéraire dans un genre initialement assez austère, en rendra la lecture plus plaisante et c’est ainsi que la mode exotique des relations de voyage s’emparera des lecteurs européens au XVIIIe siècle. Puis, ces récits connaîtront une nouvelle vie au cours du XIXe siècle québécois, lorsque leur importance fondatrice pour l’histoire et de la culture du peuple canadien-français sera reconnue.
En terminant, laissons au récollet Gabriel Sagard le soin d’énoncer le mot de la fin, par une phrase de son Grand voyage du pays des Hurons qui a l’heur de résumer poétiquement l’essence même de ces récits d’exploration : « Continuons notre voyage et prenons le chemin à main droite ». En effet, la suite de l’aventure se trouve dans l’écriture…
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EBSI > Cursus > Vol 10 no 1 > Laforge | Dernière mise à jour : mai 2007 |