Politique d'acquisition: l'exemple des archives littéraires

par

Luc Ainsley


Cursus vol.1 no 2 (printemps 1996)


Cursus est le périodique électronique étudiant de l'École de bibliothéconomie et des sciences de l'information (EBSI) de l'Université de Montréal. Ce nouveau périodique diffuse des textes produits dans le cadre des cours de l'EBSI.

ISSN 1201-7302

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Politique d'acquisition: l'exemple des archives littéraires a été présenté dans le cadre du cours Recherche en archivistique (BLT 6621) donnée par le professeur Carol Couture.

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INTRODUCTION

Dans une société où la transcendance devient le fait de quelques individus, où l'avoir prime outrageusement sur l'être, le désir de possession oriente dangereusement nos choix jusque dans leur arbitraire. La possession du savoir est l'une de ces tentation s et l'archiviste s'y trouve soumis de longue date. Sa responsabilité en regard des activités d'acquisition l'y rend plus particulièrement vulnérable. Car posséder un fonds ou une partie de fonds pour le seul fait de la chose, et cela indépendamment de sa nature et de son contenu, n'est plus acceptable. Le posséder mais, par le seul fait de sa possession, le soustraire à ceux pour qui il est vraiment signifiant en vertu d'un mandat institutionnel d'acquisition, en vertu de champs de compétence reconnus, l 'est d'autant moins. À la source de l'irrespect d'autrui se profile l'absence de coopération, de dialogue.

L'élaboration de politiques d'acquisition respectueuses des autres institutions d'archives et la création de réseaux délimitant les tranches de spécialisation et les territoires propres à chacun ne pourront être envisageables qu'à la condition explicite q ue soit instauré un dialogue sur les bases d'une coopération suivie entraînant la diminution des chevauchements, et par le fait même, une baisse de la compétition. Un tel dialogue est hautement souhaitable pour l'ensemble du milieu archivistique canadien et, notamment, pour les nombreuses institutions qui se sont donné un mandat d'acquisition touchant aux archives littéraires. En effet, source d'un intérêt considérable, les fonds de nos écrivains ont valeur d'objets précieux, de marchandises. Le prestige qui leur est associé (leur plus-value culturelle) s'est traduit depuis quelques années par une forte demande, impossible à combler et, juste retour des choses, par une hausse considérable de leur valeur monétaire. Par conséquent, ce sont les achat s qui caractérisent ce marché, du moins pour ce qui est de l'acquisition des fonds d'auteurs d'envergure. Des achats que seules les grandes institutions nationales peuvent se permettre et qui s'ajoutent à la quantité d'acquisitions effectuées via la formu le du don pour fins de crédit d'impôt. Il en résulte un déséquilibre dans l'acquisition de ce type de fonds en défaveur des petits services d'archives qui, en fin de compte, ont le plus à gagner d'une concertation, d'un dialogue soutenu.

Dans cet article, nous définirons d'abord des éléments fondamentaux tels la politique d'acquisition et le partage par tranches de compétence, les notions de territorialité et de réseaux d'acquisition. En second lieu, il sera question de la plus-value c ulturelle associée aux fonds d'archives littéraires. Suivra une partie consacrée à la situation actuelle des archives littéraires au Canada. Enfin, nous traiterons des conséquences de la compétition en regard de ce type d'archives bien particulier.

1. LE PARTAGE DES TRANCHES DE COMPÉTENCE: UN ÉLÉMENT PRIMORDIAL DE TOUTE POLITIQUE D'ACQUISITION

La politique représente l'expression concrète de la volonté, exprimée par l'organisation qui la met de l'avant, d'en arriver à une efficacité pour ce qui est de l'exécution de l'une ou de plusieurs de ses activités. Elle traduit donc un choix certain, une direction, le désir de ne rien laisser au hasard. James Lambert et Louis Côté la définissent plus précisément comme: "(...) une ligne directrice qui établit les paramètres et les limites de décisions ou d'actions répétitives" (Lambert et Côté, 1992, p.5).

Fidèle à cette définition, la politique d'acquisition tend vers une rationalisation des activités liées à la sphère des acquisitions. Une telle politique trouve sa justification dans la nécessité croissante pour les institutions d'archives d'être plus sél ectives dans leurs choix en regard du volume et de la nature de leurs collections (1). Des choix souvent mal planifiés dont dépend le sort de quantité de fonds qu'une acquisition injustifiée (c'est-à-dire ne tenant pas compte des acquis documentair es passés) risque de reléguer dans un isolement autant physique qu'intellectuel, une quasi-destruction. La capacité de choisir implique donc une responsabilité de taille, celle d'orienter tout effort expansionniste vers l'amélioration et l'accroissement d u capital documentaire déjà en place. Ainsi, une politique d'acquisition ne peut se vouloir largement permissive quant au volume de documents à acquérir sans se limiter à un ou plusieurs champs d'activité précis. À cet égard, se montrer trop gourmand corr espondrait à occuper inutilement de précieux espaces d'entreposage, à dilapider des ressources de plus en plus difficiles à obtenir. Un gaspillage qui se ferait aux dépens de fonds qui auraient vraiment eu leur place parmi les collections déjà constituées ou en voie de l'être. Le rôle premier d'une politique d'acquisition, si on considère le problème sous cet angle, serait donc de délimiter précisément ce qu'on veut acquérir après s'être interrogé sur le pourquoi, la justification à la base de nos choix.

Toute politique d'acquisition qui se veut le moindrement sérieuse devrait comporter, à tout le moins, une délimitation par tranches de compétence des priorités d'acquisition de l'institution, une liste de directives et de contraintes en matière d'acquisit ion et, enfin, un suivi des types de coopération établis avec les autres institutions d'archives. La délimitation des champs d'excellence mérite plus particulièrement qu'on s'y attarde. En effet, on constate qu'un nombre sans cesse croissant de services s e spécialisent, entraînant une vive compétition et la nécessité d'établir des balises territoriales clairement identifiées afin de diminuer les chevauchements et d'encourager la coopération entre institutions. Mais l'identification de ces balises n'est pa s sans causer sa part de problèmes, puisqu'elle est largement sujette à interprétation. De fait, c'est la notion même de territorialité qui se trouve mise en cause ici. Dans un document produit par les Archives nationales du Québec, on dit de la territori alité des archives qu'elle implique: "que les archives soient conservées dans les services d'archives ayant juridiction sur le territoire dans lequel elles ont été produites" (ANQ, 1990, p.6).

Cependant, on ne mentionne pas comment le territoire doit être défini, ni même départagé entre les instances qui l'occupent simultanément, à des niveaux différents cependant. Cet espace intellectuel, nous le verrons plus loin, peut être reve ndiqué à la fois par des institutions d'archives au mandat d'acquisition à portée locale, régionale et même nationale.

Pour revenir à notre propos initial, on note que l'établissement et la reconnaissance de champs de spécialisation comportent bien d'autres avantages. Lambert et Côté les énumèrent ainsi: "l'amélioration des compétences du personnel, qui peut concentrer sa formation et son perfectionnement sur des domaines délimités; la concentration de fonds dans un même domaine, réduisant les déplacements des chercheurs; des liens plus évidents entre des fonds complémentaires; une réduction du fractionnement de fonds" (Lambert et Côté, 1992, p.17).

Mais à la source de toute reconnaissance des spécificités propres à chacun, il doit y avoir coopération. Une coopération inter-institutionnelle qui doit nécessairement passer par la politique d'acquisition qui officialise les paramètres et conditions des ententes et permet de communiquer à l'ensemble de la communauté archivistique les orientations de l'institution en matière d'acquisition et de domaines de spécialisation. De même, la politique contraint l'institution à tenir compte des mandats d'acquisiti on des autres services d'archives officiellement reconnus. Ainsi, une connaissance détaillée de la teneur des collections et des intérêts manifestes des institutions ayant un mandat d'acquisition similaire s'avère nécessaire pour l'archiviste dans sa définition d'une politique d'acquisition qui se veut limitative, s'ajuste en fonction de la mosaïque de compétences dont il est fait étalage à l'échelle locale, régionale et nationale. Cette mosaïque aux mille visages de notre culture présente quantité de spécialisations s'articulant autour de critères comme la langue, les activités professionnelles, la compétence de l'établissement (limite territoriale) et la chronologie. Bref, un patrimoine archivistique riche quoique chaotique, sans ordre apparent, en grand besoin de planification, de concertation.

Cette concertation qu'il faudrait générale, étendue à l'ensemble du pays, elle passe par l'élaboration de réseaux d'acquisition visant à coordonner les activités des institutions d'archives. On parle ici d'une quantité de réseaux à rayon variable, trouvan t leur existence dans l'impossibilité d'établir un réseau national au sein duquel les 700 services d'archives du pays agiraient de concert (2). Le type de coopération que les organismes adhérents y pratiqueraient, suivant le développement de stratégies d' acquisition clairement énoncées et le partage des domaines de compétence, pourrait se concrétiser par: a) l'initiative prise par un service d'archives d'informer une institution soeur de la disponibilité d'un fonds qui se situerait davantage dans ses cham ps de compétence; b) le fait de diriger un chercheur ou même un éventuel donateur vers un service d'archives qui pourrait mieux répondre à leur besoin spécifique; et c) un partage de ressources pouvant aller jusqu'au développement de programmes de microfi lmage des fonds. Par surcroît, comme en fait état le rapport du Comité des acquisitions du Conseil canadien des archives (CCA): "Les membres demeureraient libres de définir leurs propres spécialités ou zones d'excellence, selon leur mandat, leurs fonds et collections et leur expertise particulière. Les services d'archives respecteraient l'intégrité des fonds, les mandats et les spécificités des autres établissements, la volonté des donateurs et les intérêts des chercheurs. L'accent serait mis sur la coopération plutôt que sur la compétition [Je souligne]" (CCA, 1993, p.11).

Ce dernier point nous paraît particulièrement important puisqu'il met en évidence le problème des conflits d'acquisition, une réalité bien de ce temps pour nombre d'institutions d'archives. (3) Toutefois, comme l'a démontré jusqu'ici l'exemple du Group e d'archivistes de la région de Montréal (GARM), une communication des priorités d'acquisition tend à diminuer cette compétition de façon significative. Le GARM est un regroupement qui a à coeur, depuis sa fondation en 1982, l'harmonisation des politi ques d'acquisition des services d'archives du Grand Montréal. Les quinze institutions qui y participent sur une base volontaire se sont dotées d'une politique d'acquisition qui trace les limites des champs d'acquisition propres à chacune. Évidemment, le c hevauchement des compétences persiste mais à un moindre degré, puisqu'il y a des limites évidentes à la spécialisation. En effet, celle-ci ne saurait être trop détaillée, trop spécifique, au risque d'être discriminante à l'excès et de sombrer dans l'absur de. Chaque adhérent au groupe est de ce fait conscient de sa position par rapport à l'ensemble (en vertu de la délimitation de ses champs de compétence), en plus d'avoir une meilleure connaissance des ressources archivistiques offertes dans son territoire .

Le GARM, cependant, constitue un cas particulier, une exception dans la communauté archivistique. Par comparaison, il faut savoir qu'au Canada, peu d'établissements peuvent se vanter d'avoir une politique officielle d'acquisition et que rares sont les ser vices d'archives qui collaborent entre eux. Il reste encore beaucoup à faire sur le plan de la rationalisation et de la coordination des activités en matière d'acquisition. Les résultats d'un sondage mené en 1992 par le CCA sur les fonds et collections de s dépôts d'archives canadiens en constituent un indice révélateur. Dans une partie touchant à la planification, aux mandats et aux politiques d'acquisition des organismes parrains, on mentionne que: "Environ 75% des dépôts d'archives ont pu établir leur propre politique d'acquisition. Malgré tout, seuls 58% se sont dotés d'une politique écrite et approuvée. En outre, seuls 54% font état d'un plan ou d'une stratégie d'acquisition et seuls 32% disposen t de normes de sélection et de critères d'évaluation écrits" (4) (CCA, 1992, p.2).

Autres données révélatrices, mais touchant cette fois aux catégories et sous-catégories de sujets que privilégient les services d'archives canadiens: on y constate que sur les 309 établissements ayant répondu à l'étude, une majorité planifie et effectue r égulièrement des acquisitions de fonds non institutionnels touchant au domaine des arts et de la culture, arrivant au premier rang à ce titre. Ce même domaine se classe également en tête de liste dans les catégories intérêt majeur et intérêt mineur.

L'importance accordée à ce type de fonds est donc plus que manifeste. Il ne faut pas se surprendre alors si, de tous les domaines d'activités, celui des arts et de la culture est au coeur de tant de conflits d'acquisition. Certes, la catégorie est large, un peu à l'image des multiples manifestations des arts et de la culture qui enrichissent notre société. Mais ce phénomène de compétition n'en est pas moins actuel, particulièrement dans le cas des fonds d'archives littéraires et musicaux.

2. LA PLUS-VALUE CULTURELLE ASSOCIÉE AUX FONDS D'ARCHIVES LITTÉRAIRES

Les institutions d'archives publiques et privées s'intéressent depuis longtemps à l'acquisition d'archives non institutionnelles (5) s'appuyant sur des dons sans compensation de particuliers et sur une pratique d'achats, cette dernière de moindre i mportance cependant. Mais c'était bien avant que ne s'impose le concept de valeur marchande, renforcé par le biais des législations fédérales sur les dons et les biens culturels. La dernière en date, la Loi sur l'exportation et l'importation des biens culturels, propose l'achat indirect des fonds privés d'archives, financé par l'émission de reçus pour fins de déduction d'impôt. On se trouve ainsi en présence d'une sorte de budget spécial de l'État dont l'octroi s'établit sur la base de la sa uvegarde du patrimoine culturel national. Cette mesure, peu connue à l'origine, a bien vite gagné en popularité au point où l'on assiste maintenant à la disparition graduelle de la raison philanthropique alors que la plupart des donateurs se prévalent de leur droit légal à une évaluation (6). Et qui dit évaluation monétaire dit détermination de la juste valeur marchande et, implicitement, jeu de l'offre et de la demande. Ainsi, comme l'écrit R.S. Gordon: "La seule estimation stable et valable des documents réside dans le nombre toujours plus petit d'exemplaires disponibles sur le marché, ou dans le nombre toujours plus grand de personnes ou d'institutions cherchant à se procurer l'unique exemplaire de tel ou tel document" (Gordon, 1972, p.19).

Voilà qui montre bien quelle dynamique anime la juste valeur marchande, ou valeur monétaire, rendue vulnérable aux lois du marché dans sa dépendance envers de puissants leviers ayant pour noms rareté et besoin.

Ce concept de juste valeur marchande qui s'est imposé au quotidien de l'archiviste depuis les vingt dernières années semble bien vague, en vérité, et mérite qu'on s'y attarde quelque peu. Revenu Canada le définit de la façon suivante: "(...) en règle générale, on entend par là le prix qu'un bien rapporterait sur le marché libre dans une transaction entre un vendeur et un acheteur consentants qui seraient indépendants l'un de l'autre et qui agiraient en toute connaissance de cause. Quan d il n'y a pas de lien de dépendance entre les personnes, la vente ou l'achat du bien à la date d'évaluation ou à une date rapprochée confirme généralement la valeur du bien à cette date " (Revenu Canada, 1991, p.7).

Il faut comprendre cependant que la juste valeur marchande n'est qu'une valeur parmi tant d'autres et que si elle s'impose en force dans le cas des archives littéraires, elle le fait au détriment de la valeur intrinsèque, ou valeur de rec herche, constituant la seule véritable préoccupation des archivistes faisant l'acquisition de ce type de fonds dans le but d'en assurer la préservation. De fait, pour ce professionnel de l'information organique et consignée, la valeur intrinsèque du fonds devrait être le seul critère à considérer au moment de l'évaluation pour fins d'achat ou de crédit d'impôt. La situation, néanmoins, se présente tout autrement: il n'existe aucun marché pour les fonds de recherche. Toute la place est laissée a ux arts et à la culture en vertu du prestige qui s'y trouve associé. Ajoutons à cela que cette différence entre valeur de recherche et juste valeur marchande n'a pas bonne écoute auprès des marchands de manuscrits et de livres rares par qui les institutions doivent souvent passer pour acquérir les pièces et les fonds qui manquent à leur collection. Un différend profond qui ne manque pas de rejaillir sur un autre plan: celui de l'évaluation des archives qu'on exécute en vertu des exigences du ministère du Revenu et à la demande du dépôt bénéficiaire du don pour fins de crédit d'impôt. C'est le Conseil national d'évaluation des archives (CNÉA) qui a charge (7) de mener à bien les évaluations permettant de déterminer la juste valeur m archande des biens culturels à être versés. C'est ce même CNÉA que les marchands de manuscrits accusent de s'opposer au concept de valeur de vente, puisque les individus qui y siègent ont tendance à évaluer les fonds à la baisse. La juste valeur ma rchande alors attribuée se fait indépendamment et contre l'état du marché au moment de l'évaluation, ce qui n'est pas à l'avantage du vendeur.

À la lumière de ces faits, on peut facilement s'expliquer pourquoi certains écrivains et autres donateurs potentiels, bien avisés de la situation, engagent un expert indépendant (quoique reconnu par le CNÉA) pour évaluer leurs documents d'archives: ils en tretiennent l'espoir de pouvoir contourner le système en vendant leur fonds à un service d'archives, ce qui leur éviterait l'arbitrage proposé par le Conseil. Au risque d'empiéter sur le propos de notre prochaine partie, il serait bon d'ajouter sur ce poi nt qu'au Canada, les achats de fonds d'archives littéraires (8) sont devenus la chasse gardée des institutions nationales et des universités d'envergure, seules à pouvoir mobiliser les sommes nécessaires à pareilles transactions. Il apparaît donc clair q ue la juste valeur marchande diffère selon que le bien culturel est évalué pour fins de vente ou pour fins de don impliquant un déboursé indirect de l'État. Les marchands de manuscrits, de leur côté, auraient avantage à ce que le processus d'évalua tion se fasse via la tenue d'enchères, ce qui constituerait, selon leur point de vue, un moyen plus juste et impartial d'établir la valeur marchande.

En résumé, il existe une quantité de valeurs qui peuvent être attribuées aux documents. Dans le cas bien précis des fonds d'archives littéraires, deux valeurs priment, s'affrontent même, soit la valeur monétaire et la valeur intrinsèque, la première ayant pris largement la mesure de la seconde en raison des demandes du marché, de la relative rareté des fonds et surtout de la plus-value culturelle qui est généralement associée aux papiers de nos écrivains nationaux. De fait, la juste valeu r marchande de ce type de fonds est tellement liée au jeu de l'offre et de la demande que le marché pour cette denrée culturelle a atteint ces dernières années des sommets jamais égalés auparavant, allant même jusqu'à se comparer avantageusemen t à celui des livres rares. Dans la prochaine partie, nous examinerons la situation des archives littéraires au Canada et nous nous pencherons sur l'hypothèse d'un partage des champs de compétence entre institutions d'archives comme solution éventuelle à la compétition qui fait rage en regard de cette catégorie d'archives.

3. LES ARCHIVES LITTÉRAIRES AU CANADA OU LA NÉCESSITÉ D'UN DIALOGUE

La plus-value culturelle associée aux documents d'archives littéraires est à la source de la flambée inflationniste qui déferle présentement dans ce milieu qui est, somme toute, assez restreint. À vrai dire, il faudrait se questionner sur les raiso ns qui motivent les institutions d'archives, hormis l'habituel motif de l'inclusion dans les champs de compétence, à faire l'acquisition de tels fonds. Ces raisons sont sans nul doute nombreuses, mais la première qui nous vient à l'esprit est liée au pres tige associé à l'acquisition de fonds de créateurs. En effet, un service d'archives qui peut faire état dans son bilan annuel de l'acquisition d'un fonds de contributeur à la littérature locale, régionale ou nationale, fait bonne impression et semble just ifier la confiance que l'organisme parrain porte en lui. Dans le milieu des archives comme dans beaucoup d'autres, on le sait, les apparences tiennent une place importante.

Ajoutons à cette plus-value culturelle les quelques précédents où le donateur a reçu plus d'argent que la juste valeur marchande ne le prescrivait, et l'on se retrouve dans une situation critique de marché à la hausse. En faisant littéraleme nt sauter la banque, Yusef Karsh, Michel Tremblay et tous les autres donateurs de grand renom ont pavé la voie aux revendications de leurs pairs qui exigent depuis lors une part égale de deniers publics. De fait, ils ont établi une nouvelle échelle de comparaison et c'est toute la dynamique relative à l'acquisition des fonds d'archives littéraires qui s'en est trouvée bouleversée. Ainsi, une large proportion des centres d'archives ayant un mandat touchant à l'acquisition de ce type de fonds a été b rusquement évincée de la course, faute de moyens financiers suffisants. Une situation qui se produit à un bien mauvais moment alors que le milieu des archives se voit contraint de sabrer dans les budgets d'acquisition afin de répondre aux exigences des or ganismes parrains aux prises avec un contexte économique difficile. Aussi, il semble contradictoire que la valeur de ces fonds s'établisse à la hausse alors que partout, il est question de coupures budgétaires importantes et de rationalisation des dépense s.

Telle est la situation du marché des archives littéraires en vertu des achats. Maintenant, celle qui prévaut en regard des dons présente une tout autre trame même si le résultat et le rapport de force restent inchangés: les grands, encore une fois, l'empo rtent sur les petits.

Alors que les achats mettent en cause les fonds d'auteurs d'envergure et nécessitent des déboursés que les grandes institutions nationales sont seules à pouvoir défrayer, les fonds secondaires, de moindre intérêt, restent accessibles à tous, puisque leur acquisition est conséquente à un don pour fins de crédit d'impôt. Il importe de préciser ici que ce mode de récompense permet d'éviter la surenchère puisqu'il étouffe toute forme de compétition ouverte en obligeant le donateur à passer, en principe , par une seule et même instance pour l'évaluation de son fonds, soit le CNÉA. Cependant, c'est un mode qui ne peut empêcher, à un tout autre niveau, les jeux de coulisse. On entend par là les faveurs octroyées et les avantages proposés qui vont influence r le choix du donateur quant à l'organisme qui accueillera ses papiers. Et à ce jeu, ce sont encore les grandes institutions qui sortent gagnantes puisque, naturellement, elles ont le plus à offrir.

Mais qui sont les grandes institutions canadiennes mises en cause ici? Pour les fonds d'archives de langue anglaise, outre de grandes universités comme l'Université de Toronto et l'Université McGill, on retrouve les Archives nationales du Canada (ANC) et la Bibliothèque nationale du Canada (BNC); et pour les archives de langue française, on dénombre, encore une fois, les deux grandes institutions nationales (ANC et BNC), auxquelles s'ajoute la Bibliothèque nationale du Québec (BNQ) qui se fait cependant p lus discrète depuis quelques années sur le plan des acquisitions. Quant aux autres dépositaires de fonds d'archives littéraires, ils doivent composer avec des budgets d'acquisition infimes quand seulement ils en ont. À ce propos, David Walden livre des st atistiques intéressantes bien qu'elles datent, empruntées au Rapport Wilson (1980): " ... financial resources available to archives are extremely low. [...] while academic libraries spend, on the average, between 25% and 30% of their budget on acquisition, 80% of all archives spend less than 10% of their budgets on acquisition and 42% do not even have an acquisition budget. It is small wonder therefore that Canadian archives have little money available to purchase collections at the prices dealers believe are equitable" (Walden, 1980-1981, p.106).

La situation présente n'est donc guère brillante, et il est permis de se demander où va nous mener semblable compétition si elle perdure. Probablement vers une centralisation des fonds de grand et de moyen intérêts au profit des institutions canadiennes d 'importance dont les principaux acteurs, ANC et BNC, concentrent le gros de leurs activités dans la région de la capitale nationale. Cependant, y a-t-il lieu de croire que la situation pourra changer un jour, qu'on pourra reprendre un certain contrôle sur la façon dont se distribuent les fonds d'archives littéraires parmi les différents territoires d'acquisition? Et si on évoquait la solution plus tôt étudiée de la délimitation des tranches de compétences, composante essentielle de la politique d'acquisit ion? Si on imaginait l'implantation de réseaux sur la base desquels se coordonneraient les activités d'acquisition en concertation avec l'ensemble des services d'archives partageant un même intérêt pour les fonds littéraires? Certes, on ne résoudrait pas tous les conflits territoriaux, on n'abolirait pas l'ensemble des chevauchements, mais on pourrait à tout le moins espérer en réduire significativement le nombre et la portée. Tout cela à condition que soit instauré un dialogue durable basé sur une coopér ation franche et ouverte. Mais cette harmonisation des activités d'acquisition, si elle est souhaitable pour les petits services d'archives, l'est davantage pour les institutions nationales canadiennes au mandat trop large. En effet, la politique d'acquis ition dont se sont pourvues les ANC, la BNC et la BNQ sanctionne actuellement tous les passe-droits, et cela au nom de l'importance nationale (9) ou de son équivalent, selon l'institution où l'on se trouve et le point de vue adopté. Ainsi, la BNQ a pplique le concept sous l'étiquette de la sauvegarde de la culture québécoise alors que les institutions nationales fédérales le font sous celle de la préservation du patrimoine culturel canadien. Au nom de l'importance nationale, on justifie ainsi les intrusions répétées sur le territoire d'acquisition de voisins de moindre stature. Ce vaste mandat devrait être interprété comme un droit qu'on se donne à acquérir non pas ce qui semble représentatif de la culture mais plutôt ce qui a une véritable p ortée nationale et/ou internationale. Il faudra, de toute évidence, penser à redéfinir le concept plus en détail (10) de manière à en limiter davantage la portée tout en le rendant plus efficace. Peut-être permettra-t-il alors de freiner, sinon de minimis er, la dure compétition que se livrent les trois grandes institutions nationales au mandat quasi identique. À cet effet, la rivalité qui surprend le plus oppose les Archives nationales du Canada à la Bibliothèque nationale du Canada (11), deux institution s relevant du gouvernement fédéral et occupant, par surcroît, un même bâtiment. En 1989, on a bien tenté de ressusciter le Comité consultatif mixte chargé des collections mandaté de présider à un dialogue et d'agir en qualité de médiateur dans des cas de conflits d'acquisition mettant en cause des archives littéraires. Malheureusement, l'initiative mise de l'avant par l'Archiviste national et le Directeur général de la Bibliothèque nationale a été vaine. La communication ne se fait toujours pas. De s chevauchement de mandats, tolérés on ne sait trop pourquoi par l'appareil étatique, qui coûtent cher. D'autant plus cher que ces grandes institutions se ressentent de plus en plus des compressions budgétaires qu'on leur impose année après année. Avec un pouvoir d'achat diminué se traduisant par une participation moins marquée aux activités d'acquisition, on risque d'assister à une fluctuation du marché des archives littéraires s'établissant à la baisse. Car s'il ne se trouve plus de grandes institutions pour acheter les fonds monétairement surévalués, qui d'autre prendra la relève? Il y a fort à parier que les prix redescendront à un niveau plus raisonnable, reflétant davantage la valeur intrinsèque des fonds. À moins que ne se manifeste la menace des s péculateurs en matière de manuscrits avec tout ce qu'elle laisse supposer.

4. LES CONSÉQUENCES DE LA COMPÉTITION

La question de la propriété des archives devrait être sérieusement étudiée avec l'avènement des collectionneurs, de l'arrivée sur le marché de spéculateurs en manuscrits. Pour beaucoup, leur venue constitue une intrusion non fondée puisque les bien s culturels, par leur nature même, devraient être la prérogative du groupe culturel à travers lequel ils sont signifiants, et non celle d'un particulier à la recherche de spéculations culturelles. Le phénomène n'est pas encore ressenti dans le milieu des archives littéraires au Canada mais cela ne saurait tarder, l'intérêt pour cette catégorie de biens culturels étant appelé à grandir. De fait, on mesure mal l'impact que ces spéculateurs auront sur le marché des archives d'écrivains quoique, si on se base sur un commentaire de David Walden, leur implication pourrait se traduire par des hausses additionnelles: "This individual, who has appeared at recent auctions, feels no emotion for the intrinsic worth of the material he purchases, but is merely seeking a concrete investment in much the same way some people purchase gold. Such inexperienced investors in manus cripts may be affected by the excitement and momentum of the auction, with the result that they pay exorbitant sums for individual items" (Walden, 1980-1981, p.107).

D'un strict point de vue archivistique, leur action est hautement condamnable puisqu'elle va à l'encontre du principe de respect des fonds et du code d'éthique de la profession. En éparpillant les documents d'un même fonds, en brisant l'unité de l'ensembl e, on perd toute l'information qui a trait au contexte, en plus de brimer le droit des chercheurs à un libre accès. De fait, un manuscrit acquis par un collectionneur est un manuscrit dont l'accès devient conditionnel au bon vouloir du propriétaire; un do cument, en somme, dont la collectivité se trouve privée.

Cette menace de fractionnement des fonds n'est pas ressentie en raison seulement de la venue probable de ce nouveau groupe d'acheteurs, indépendants de toute institution, de toute loyauté, elle l'est également en regard de la vive compétition que se livre nt actuellement les institutions d'archives impliquées activement dans l'acquisition de fonds d'archives littéraires. Selon l'éthique, il est de mauvaise pratique d'acquérir le fonds partiel d'un écrivain quand une autre institution en a déjà reçu une pre mière partie. Semblable division diminue considérablement la valeur de recherche de l'ensemble. Pourtant, cela s'est déjà produit par le passé, et quelquefois même tout à fait par accident, l'archiviste en place négligeant de vérifier si le donateu r avait déjà cédé ses archives ailleurs. Il faut comprendre que le donateur, sauf exception, se soucie peu que ses papiers soient réunis ou pas; le choix d'une institution d'accueil dépend le plus souvent de considérations monétaires.

À ce dernier problème se superpose celui de la création vertigineuse de documents, c'est-à-dire de la multiplication des acquisitions d'un même fonds. Un phénomène qui s'explique par un enthousiasme excessif envers la formule du don pour fins de crédit d' impôt mise de l'avant comme mesure incitative afin d'encourager les Canadiens à se départir de leurs archives. La mesure est si populaire qu'elle prend des proportions démesurées qui ne vont sûrement pas dans le sens de ce que ses initiateurs avaient souh aité. David Walden écrit à ce sujet: "What has happened with the demystification of the tax credit system (...) is that after donating a significant collection of papers to an archives and receiving a handsome tax rebate, some donors appear to be virtually creating documents on an annual bas is with the specific intention of donating them to an archives for further tax relief" (Walden, 1984, p.88).

Rien n'est simple dans le cas présent. Sachant très bien que ces acquisitions saisonnières d'un même fonds ont une valeur intrinsèque minimale, les archivistes ont néanmoins l'obligation morale de s'en porter acquéreur, puisque les repousser équivaudrait à morceler l'ensemble. Même en resserrant leurs critères de sélection, les institutions d'archives se trouvent alors prises en otage, à moins de refuser de se prêter au jeu.

Par ailleurs, alors qu'on assiste à une escalade des acquisitions de fonds d'archives privés empruntant cette voie royale, le pire est à craindre. Ainsi, les abus perpétrés sur le dos du système de crédit d'impôt pourraient forcer le gouvernement à mettre un frein à cette forme indirecte de financement. De toute façon, nombreux sont les archivistes qui mettent en doute le bien-fondé du système actuel. C'est qu'ils ont la certitude que les gens continueront de céder leurs fonds aux institutions d'archives, même sans être récompensés pour leur geste. Du même coup, on réhabilitera, dans le cas des fonds de moindre importance, la valeur de recherche comme valeur première et non soumise aux fluctuations du marché. La compétition, cependant, sera toujours présente, quoiqu'elle devrait se manifester sous une autre forme.

CONCLUSION

En 1980, le Rapport Symons soulignait les avantages d'une meilleure coopération entre institutions d'archives. Quinze ans plus tard, on ne remarque toujours aucune amélioration sur ce point si ce n'est de l'initiative du GARM. Conscient du problème, le Co nseil canadien des archives en a fait l'une de ses priorités pour les années à venir, car il devient de plus en plus urgent de mettre fin à la compétition résultant du chevauchement des mandats. En guise de solution, on préconise la création de réseaux d' acquisition à l'échelle nationale, régionale et locale, ce qui favoriserait grandement l'établissement d'une politique d'acquisition écrite et officialisée étendue à l'ensemble des institutions participantes. Une telle politique aurait l'avantage de ratio naliser les activités en matière d'acquisition en plus de permettre l'identification précise des champs de compétence.

Mais au-delà de ces idées sur la coopération et sur un dialogue concerté, il y a la réalité qui nous rappelle à l'ordre. L'application du principe de territorialité et le suivi d'une politique d'acquisition ne seront pas sans rencontrer des obstacles inco ntournables, des circonstances devant lesquelles ils devront forcément s'incliner. La volonté du donateur (12) est l'une de celles-là, et pour cause: on ne peut, en toute conscience, refuser d'acquérir le fonds d'un individu qui insiste pour choisir le li eu où seront versés ses documents, et cela sous prétexte que le don proposé n'entre pas dans le mandat d'acquisition de l'institution. Dans une certaine limite, il faut respecter ce choix. Comme il faut délimiter plus précisément le concept de territorial ité, considérant, par exemple, que le territoire national revendiqué par les institutions nationales d'archives occupe le même espace que celui revendiqué par quantité d'autres services d'archives ayant un mandat régional ou même plus large. Comment ce pa rtage va-t-il s'établir et quels en seront les enjeux?

Mais avant toute chose, il faudra bien que les archivistes se dissocient un jour de ce fétichisme malsain qui leur fait adorer l'objet archivistique - littéraire, notamment - au point de vouloir absolument et totalement le posséder. La véritable ri chesse, elle se trouve encore dans l'information contenue dans le document d'archives. Une information d'un type particulier qu'il importe de situer dans un contexte idéal, c'est-à-dire la rendant davantage signifiante en raison de la proximité d'informat ions de même nature. Et le contexte ici, c'est la "collection" de fonds acquise en vertu des directives territoriales précises dont un service d'archives s'est doté. Ce qui peut nous porter à penser, à juste titre, que la clé de notre salut passe forcémen t par la politique d'acquisition en vertu de laquelle s'initiera le dialogue tant nécessaire.

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À ces quelques titres, il faut ajouter les entrevues données par Mme Andrée Lavoie des ANC, M. Claude LeMoine de la BNC et, enfin, M. Michel Brisebois, évaluateur de fonds d'archives littéraires et de livres rares, ayant déjà siégé au sein du Conseil nati onal d'évaluation des archives. Nous tenons à remercier plus particulièrement M. Brisebois sans qui ce travail n'aurait pu être possible.

1. Nous nous permettons d'employer le terme "collection" dans ce contexte particulier, car nous croyons qu'il reflète bien la disparité caractérisant l'ensemble des fonds détenus par un service d'archives, et cela même si ces fonds sont assujettis à des c hamps de compétence. En effet, le choix d'un fonds est en soi un geste hautement discriminant, la marque d'un collectivisme auquel il est difficile d'échapper.

2. (CCA, 1993, p.10)

3. "L'enquête montre l'ampleur possible du problème, puisque 60% des dépôts font état d'un territoire d'acquisition régional, provincial, interprovincial, national ou international. Or plus ce territoire est vaste, plus le risque de conflits d'acquisition est élevé. Avec une politique d'acquisition imprécise, les conflits d'acquisition entre dépôts deviennent inévitables. De fait, 29% des répondants en ont déjà fait l'expérience" (CCA, 1992, p.3).

4. À noter que 309 établissements d'archives ont répondu au sondage et qu'il n'est fait aucunement mention du taux de réponse au questionnaire.

5. Il faut savoir que le concept de valeur marchande ne s'applique pas aux archives du domaine public puisque ce type d'archives, de propriété collective justement, ne se trouve pas soumis au jeu de l'offre et de la demande.

6. Ceci est plus qu'évident dans le petit univers des archives littéraires.

7. Pour les fonds qu'on estime d'une valeur de 1 000 $ ou moins, le ministère accepte une évaluation interne menée par un archiviste de l'institution qui en sera bénéficiaire.

8. À noter que les achats mettent toujours en cause des fonds de prestige, des fonds d'auteurs dont le rayonnement justifie une dépense directe. En comparaison, les fonds de moindre importance sont généralement acquis par don.

9. Les Archives nationales du Canada en donnent la définition suivante: "Les documents qui ont une importance nationale sont ceux qui nous renseignent sur la vie des Canadiens. Ils relatent les efforts et les expériences de particuliers, de groupes, d'éta blissements, de corps constitués et d'autres organismes qui sont reconnus à l'échelle nationale ou internationale. Ils renferment également de l'information sur le milieu physique canadien de même que sur les événements et les tendances (d'ordre culturel, politique, économique, social, démographique, scientifique et religieux) ayant une large portée nationale" (ANC, 1988, p.4).

10. Dans un document de travail daté d'octobre 1993, la Commission canadienne d'examen des exportations de biens culturels en donne une définition plus fouillée quoique insuffisante. Encore une fois, on omet de prendre en considération la notion de territ orialité, de l'établissement d'un partage.

11. La BNC fait l'acquisition de manuscrits littéraires dans le but d'enrichir ses collections d'imprimés.

12. Le donateur prestigieux aura toujours la liberté de choisir où il veut céder - vendre - son fonds puisque toutes les portes lui sont ouvertes. Ce sera plus difficilement le cas pour le donateur de moindre envergure, plus susceptible d'être dirigé vers un service d'archives ayant une compétence correspondant à sa catégorie de fonds.