Cursus est le périodique électronique étudiant de l'École de bibliothéconomie et des sciences de l'information (EBSI) de l'Université de Montréal. Ce nouveau périodique diffuse des textes produits dans le cadre des cours de l'EBSI.
ISSN 1201-7302
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L'auteure a entrepris des études de bibliothéconomie en 1996, suite à un baccalauréat en études françaises obtenu à l'Université de Montréal. Dans le cadre de sa seconde année de formation, elle a choisi le profil d'analyse documentaire. Ses domaines d'intérêt sont reliés aux questions concernant l'Internet et l'indexation.
Le texte suivant a été composé dans le cadre d'un cours d'introduction
de première session, le cours BLT 6019, Sciences et professions de
l'information, donné par Madame Paulette Bernhard.
Le concept de société de l'information est si courant aujourd'hui qu'il nous semble déjà quelque chose d'acquis, admis d'emblée. Nous tendons souvent à oublier que la culture informationnelle fait encore défaut à plusieurs. Ceux qui ont accès à Internet comptent pour moins du cinquième de la population au Québec (Annuaire du Canada 1997, 1996), et tous ne connaissent pas toutes les ressources d'information auxquelles ils ont pourtant accès. D'un autre côté, plusieurs ont accès à de nombreuses sources d'information par le biais de leur bibliothèque publique mais ne les utilisent pas. Nous nous trouvons à la fois devant une société qui mise sur la démocratisation de l'information et devant des faits qui démentent bien souvent cet idéal.
À partir de ces questions, nous réfléchirons d'abord sur le concept de la société de l'information avant de l'insérer dans le contexte des milieux défavorisés. Nous nous pencherons sur l'aspect individuel avant de traiter de la question sous son aspect communautaire. Qui sont ceux qui n'accèdent pas à l'information? Quels sont les impacts de la société de l'information au niveau individuel? Nous réflechirons ensuite sur la mission de la bibliothèque dans ce contexte, sur les actions concrètes qu'elle peut entreprendre face à cette situation ainsi qu'aux enjeux que cette dernière suscite.
Même si le concept de société de l'information nous semble récent, ce n'est en fait rien de bien nouveau. Toutes les sociétés avant nous ont généré de l'information et celle-ci a toujours été valorisée et considérée comme un bien précieux. La différence entre les époques qui nous ont précédées et la nôtre réside en ce que la technologie développée depuis les dernières décennies a permis de générer et de véhiculer une masse d'information plus importante que jamais auparavant. Cette nouvelle masse d'information a conféré à cette l'information un nouveau statut : elle est devenue un bien de consommation.
En effet, l'information, comme tout le reste, s'achète désormais. Que ce soit dans les médias, par les nouvelles technologies de l'information, ou même sur les bancs d'école, l'information se paie. Cause ou conséquence, l'information est devenue une source de pouvoir. C'est pourquoi l'information est désormais un facteur de nivellement dans la société, au même titre que le facteur économique. On assiste présentement à la création de classes informationnelles, séparées les unes des autres par un fossé que creuse également le facteur financier. L'écart entre ce que l'on appelle dorénavant les «information-rich» et les «information-poor» se creuse est bien là, même s'il est parfois difficilement perceptible. Nous pouvons à ce titre citer quelques chiffres à titre d'illustration. Par exemple, si Internet nous semble être partout, c'est pourtant 17 % seulement de la population qui y a accès et qui en maîtrise les rudiments (Annuaire du Canada 1997, 1996). La technologie informatique, qui infiltre tous les domaines de la société et qui est une composante importante de la culture informationnelle, est maîtrisée par seulement 60 % des adultes, ce qui laisse toujours 40 % des adultes dans l'incapacité de se servir d'un ordinateur. Ces chiffres sont encore plus importants chez les 65 ans et plus, où à peine 10 % peuvent prétendre à la maîtrise de l'ordinateur (Annuaire du Canada 1997, 1996).
De plus en plus, dans les sociétés industrialisées, la majeure partie de la force de travail est concentrée dans le secteur de l'information; ce secteur est envahi par l'informatisation et l'automatisation du travail. Les autres domaines d'emplois, particulièrement dans les secteurs primaires et secondaires s'effritent; ces deux secteurs employaient moins du quart des travailleurs au Québec en 1994 (Québec 1996, 1995). De moins en moins d'emplois sont disponibles et les emplois offerts demandent une spécialisation de plus en plus importante. Les sociétés industrialisées sont de plus en plus grugées par le chômage, et tandis que le taux de chômage augmente, les ressources financières des individus diminuent. La classe moyenne s'effrite tandis que les ressources sont de plus en plus inégalement distribuées.
Pour bénéficier des multiples avantages de la société de l'information, un minimum d'éducation est requis. Les technologies de l'information, l'information de plus en plus spécialisée, la masse imposante d'informations à décortiquer, tout cela n'est pas d'accès facile pour quiconque n'a pas les connaissances nécessaires.
L'éducation nous semble acquise, mais alors que le décrochage est une réalité de plus en plus largement répandue et que l'instruction coûte de plus en plus cher, c'est une valeur qui ne va plus de soi, même dans les sociétés industrialisées. L'analphabétisme est encore courant de nos jours. Au Canada, 16 % des adultes ne disposent toujours pas des habiletés de lecture requises pour se débrouiller dans la vie courante et 26 % n'ont que des capacités limitées, c'est donc 42 % de la population canadienne qui éprouve des difficultés en lecture et en écriture (Annuaire du Canada 1997, 1996). De plus, des sondages ont révélé que bon an, mal an, 50 % des Québécois affirment ne jamais ou rarement lire de livres (Séguin, 1992).
Tous ces facteurs limitent l'accès à la société de l'information. Ce sont de tels facteurs qui créent ce que des chercheurs ont appelé le «knowledge gap», ou écart informationnel, fossé qui donne naissance à une nouvelle classe sociale, les «information poor», ou les défavorisés de l'information.
Cette nouvelle catégorie est encore assez mal connue car les «information poor» sont silencieux. Dans une étude qui date de 1995, Chatman et Pendleton définissent cette classe en disant que les conditions minimales d'accès à l'information n'y sont pas toutes remplies. On parle d'abord de conditions socio-culturelles; les défavorisés de l'information sont aussi désavantagés économiquement. Leur niveau d'éducation est assez bas et ils occupent bien souvent des emplois précaires. Ils vivent dans un milieu peu stimulant intellectuellement; étant aux prises avec des problèmes de survie de base, l'information et le savoir deviennent nécessairement secondaires (Séguin, 1992).
Cependant, il importe de ne pas faire de cette constatation une constante; pauvreté informationnelle ne rime pas nécessairement avec pauvreté économique ou sociale. Bien qu'elle soit un corollaire important, les bibliothécaires et autres spécialistes de l'information savent, ou devraient savoir, que bien des usagers sans faire partie d'une classe sociale à part ont souvent les mêmes problèmes. La pauvreté favorise la non-lecture, mais elle ne la cause pas.
Ainsi, les défavorisés de l'information ne sont pas qu'un groupe social. Au-delà de ces faits socio-économiques, les défavorisés de l'information sont définis par Elfreda Chatman et Victoria Pendleton comme étant incapables de satisfaire leurs besoins informationnels de base, c'est-à-dire leur besoins d'information de survie. En fait, ils sont selon elles souvent incapables d'exprimer ou même de reconnaître ces besoins, souvent peu renseignés quant aux ressources existantes (Chatman et Pendleton, 1995).
Cette incapacité est selon elles due à l'isolement des défavorisés de l'information dans la société. Leur environnement informationnel est surtout constitué des médias d'information populaire, comme la télévision, la radio et les journaux (Chatman et Pendleton, 1995). Mais l'information qu'ils se procurent dans des telles sources est limitée. L'intérêt qu'ils y trouvent se limite à des faits divers, à de l'information superficielle et au divertissement que ces médias procurent. Ces informations ne leur permettent pas de satisfaire leurs besoins informationnels. De plus, si on a souvent tendance à croire que les défavorisés de l'information ont beaucoup recours à leurs relations interpersonnelles pour combler leurs besoins informationnels, cette croyance n'est pas tout à fait fondée. En fait, les défavorisés de l'information se retrouvent presque complètement isolés dans un monde informationnel qui ne répond pas à leurs besoins.
En fait, Elfreda Chatman a observé que les défavorisés de l'information sont isolés à cause de leur répugnance à aller chercher de l'information, car ils se considèrent comme des marginaux au sein de la société. Étant minoritaires, la majorité constitue une menace à leurs yeux. Or, aller chercher de l'information, c'est révéler beaucoup sur soi, c'est révéler ce que l'on est; une telle transparence est risquée pour un marginal. Ainsi, pour eux, ne pas demander l'information dont ils ont besoin, c'est bien souvent un mécanisme d'auto-protection (Chatman, 1996).
Cet isolement renforce l'écart informationnel. On a souvent tendance à blâmer les défavorisés de l'information en arguant que les ressources sont disponibles et qu'ils n'ont qu'à tendre la main pour y avoir accès. C'est en partie vrai. Mais l'accès à l'information ne dépend pas que de phénomènes extérieurs. Il faut bien comprendre le monde dans lequel vivent les défavorisés de l'information avant de conclure. Leur univers est beaucoup plus complexe que nos préjugés ne nous le laisseraient deviner, et il importe de laisser ces préjugés de côté au moment de définir leurs besoins.
Si les défavorisés de l'information se considèrent comme des étrangers, c'est aussi parce que cette société de l'information ne répond pas à leurs besoins. L'information transmise par les différents canaux médiatiques de la société est en elle-même un élément socialisateur important. Toujours selon Chatman, les défavorisés de l'information ne percevant pas la pertinence de l'information par rapport à leur situation, ils n'y trouvent aucun intérêt (Chatman, 1996). Or, si l'information disponible est celle de la majorité, comment peut-elle être pertinente pour eux?
Les besoins informationnels sont la clé du problème. C'est en se concentrant sur eux que l'on pourra aider les défavorisés de l'information à s'intégrer dans la société. Ces besoins sont cependant difficiles à cerner car, nous le savons, les défavorisés de l'information sont silencieux et isolés.
Chatman et Pendleton ont fait une distinction entre l'information de premier degré et l'information de second degré (Chatman et Pendleton, 1995); selon elles, ce serait de cette dernière que les désavantagés de l'information auraient particulièrement besoin. De leur point de vue, l'information de premier degré est simplement une connaissance très factuelle des choses, apportée par une connaissance pratique de la réalité. L'information de second degré en revanche est une information générée de l'extérieur de notre expérience. Cette dernière est plus abstraite, donc plus propre à être remise en question. Les désavantagés de l'information ont du mal à accepter ce type d'information car elle ne provient pas directement de leur expérience et ils sont ainsi portés à la remettre en question. Ils ont de plus du mal à accepter le caractère abstrait d'une telle information et voient difficilement l'influence qu'elle peut avoir sur leur existence quotidienne.
Or, selon Chatman, l'information recherchée par les défavorisés de l'information doit leur être utile dans leur situation immédiate. Elle doit les aider à résoudre les problèmes qui les touchent directement, dans le domaine de la santé ou de l'éducation, par exemple. Ils doivent y trouver ce qui les aidera de façon concrète (Chatman, 1996). L'information de second degré fournie nous apparaîtra souvent plus complète et plus propre à les aider, mais ils en seront méfiants (Chatman, 1996). Il importe pour nous de les familiariser avec ce type d'information et de leur faire concevoir son utilité et sa valeur.
De plus, l'information doit être facilement accessible et facilement consultable. Les habitudes et compétences informationnelles des défavorisés de l'information sont peu développées et l'utilisation des ressources d'information ne doit pas constituer un obstacle en soi. Enfin, la source d'information utilisée doit être sanctionnée par le milieu auquel ils appartiennent, car les défavorisés de l'information, malgré leur isolement, se définissent considérablement par leur milieu (Chatman, 1996).
Ainsi, il est important d'être conscient de la distinction, auprès des défavorisés de l'information, entre information de premier niveau et information de second niveau. Cette distinction nous permet de mieux cerner leurs besoins. Parvenir à leur fournir l'information secondaire dont ils ont besoin les aidera à se sentir concernés par le concept d'information. Étant mieux renseignés sur le monde qui les entoure, le sentiment d'être exclus de la société perdra de sa portée et une partie importante du problème s'en trouvera diminuée.
Qui, mieux que la bibliothèque publique, peut répondre à tous ces besoins? Elle est, ou devrait être, au centre du processus informationnel des communautés. Par sa nature même, elle bénéficie d'un statut privilégié par rapport aux défavorisés de l'information. Les ressources dont elle dispose lui permettent de jouer un rôle important auprès de cette clientèle. Les heures d'ouverture, la gratuité, l'aide au lecteur, tous ces facteurs lui donnent une position stratégique au sein de la communauté. Cependant, il est évident qu'elle doit adapter ses services de façon à répondre à ses besoins spécifiques.
La bibliothèque publique n'a toujours pas réussi à varier sa clientèle; le sondage Sorecom, commandé en 1988 par l'ASTED (Association pour l'avancement des sciences et des techniques de la documentation), a bien démontré que les bibliothèques ne sont encore utilisées que par une faible portion de la population québécoise (Séguin, 1995). Pour une clientèle particulière donc, il faut user de moyens particuliers.
Ces moyens peuvent d'abord être des éléments extérieurs à la bibliothèque. Des facteurs comme l'accessibilité géographique, le coût, le transport et la taille de la bibliothèque sont des éléments dont il faut tenir compte (Pienaar, 1996). Les défavorisés de l'information ayant déjà peu de motivation à se rendre à la bibliothèque, il faut tout faire pour minimiser ce qui pourrait les dissuader de le faire.
Il ne faut pas non plus lésiner sur les relations publiques : connaître les besoins de la clientèle, c'est bien. Mais il faut aussi lui faire savoir que l'on peut répondre à ces besoins. Des programmes communautaires spécifiques à cette clientèle, comme des cours d'alphabétisation ou des ateliers de recherche d'emploi, peuvent être un bon moyen de les attirer à la bibliothèque et de les familiariser avec cet environnement.
Bien sûr, une fois qu'ils sont à la bibliothèque, il faut aussi les y garder. Pour ce faire, il est important de s'assurer qu'ils aient accès facilement et rapidement à une information dont ils ont besoin dans la vie quotidienne. Dans un article de 1992, Séguin souligne l'importance pour les défavorisés de l'information de collections particulières, plus accessibles, portant sur des sujets qui les intéressent. Ces collections permettront de les familiariser avec les documents. Les textes seront plus faciles à lire, les ouvrages seront peu volumineux, parfois écrits avec de plus gros caractères ou illustrés. Aux États-Unis, ces collections sont appelées «Hi-Lo» («High interest - Low level») (Séguin, 1992). Elles ont l'avantage d'être moins intimidantes et donc plus propres à interpeller les lecteurs peu familiers avec le livre. Enfin, il ne faut pas négliger l'élément audio-visuel ou multimédia; ce sont des collections qui sont généralement très attirantes pour les défavorisés de l'information, qui peuvent parfois être intimidés par le livre.
Une classification par genres soutenue par une signalisation claire, indiquée par des pictogrammes par exemple, peut aussi s'avérer très efficace. Elle sera plus familière pour le lecteur qui n'est pas accoutumé à l'environnement et à la structure de la bibliothèque (Séguin, 1992). Plus l'information est facilement accessible, plus les gens y accéderont, c'est une règle d'or en bibliothéconomie, qui ne s'applique d'ailleurs pas qu'aux défavorisés de l'information.
L'essentiel est d'arriver à créer et à consolider les habitudes de lecture de cette clientèle de façon à instaurer de nouvelles habiletés informationnelles. C'est en les familiarisant avec l'objet informationnel que le processus de transfert de l'information s'enclenchera et s'effectuera de façon efficace. Il leur sera alors plus facile de reconnaître et d'exprimer leurs besoins en matière d'information, et ils auront également plus de facilité à trouver et à utiliser les ressources qui leur permettront de combler ces besoins. La bibliothèque publique est tout indiquée pour parvenir à ce but.
Il est primordial d'accorder beaucoup d'importance au lecteur; une référence et une aide personnalisée sont essentielles. Les bibliothécaires doivent absolument éviter tout jugement de valeur et offrir une aide complète et impartiale, à cette clientèle comme aux autres. Les défavorisés de l'information constituant une clientèle particulièrement fragile, il importe de ne pas les rebuter en leur faisant sentir un certain mépris vis-à-vis de leurs choix ou de leur méconnaissance de la bibliothèque en général. Des mesures personnalisées doivent être mises en place.
Comme nous l'avons dit, les défavorisés de l'information sont souvent méfiants face à l'information de second niveau. Ils considéreront cette information comme fausse si elle ne s'applique pas concrètement dans leur existence et la remettront en question. De plus, ils seront bien souvent craintifs face aux bibliothécaires, en qui ils n'auront pas instinctivement confiance, les considérant trop différents d'eux. Il s'agit alors d'établir une relation de confiance avec l'usager, de le familiariser et de lui montrer que les portes de la bibliothèque sont grandes ouvertes. La bibliothèque publique de San Fransisco a fait preuve d'initiative en ce sens il y a quelques années en permettant aux quelques 6000 sans-abri de la ville de pouvoir s'abonner à la bibliothèque. La bibliothèque a contourné l'obstacle majeur, à savoir l'absence de toute adresse de résidence, essentielle pour l'abonnement, en permettant aux sans-abri de passer par des refuges, qui constituèrent ainsi les ports d'attaches de ces abonnés nouveau genre. De cette façon, la bibliothèque put inscrire 195 sans-abri en moins d'un an.
Contrairement aux craintes des détracteurs du projet, le taux de bris et de pertes de documents n'atteignit pas les sommets prévus. Bien qu'on ait enregistré un taux de vandalisme plus important que pour les abonnés résidentiels, celui des abonnés itinérants n'avaient atteint un taux que de 6.4 %, comparativement à 16.9 % aux débuts du projet. En février 1991, le nombre de cartes délivrées avait déjà atteint 328.
Aux dernières nouvelles, le projet allait toujours bon train. D'autres
villes ont par la suite entamé des démarches pour faire de même dans leur
bibliothèque (Landgraf, 1991).
À l'heure de la globalisation et de la mondialisation, du partage des ressources et de la coopération internationale, les frontières sont en train de s'effriter un peu partout dans le monde. Il est primordial de faire tomber les frontières dans nos propres communautés et d'insérer dans les rangs de la nouvelle société de la connaissance ces défavorisés de l'information qui s'y sentent étrangers, afin que tous puissent prétendre au même niveau d'information et d'éducation. En ces temps de coupures où les bibliothèques sont menacées, la prise en charge de cette clientèle difficile mais importante peut situer favorablement la bibliothèque dans la société et la rendre indispensable, ce qu'elle n'est pas, bien souvent, aux yeux des gestionnaires. On parle souvent, en bibliothéconomie, de la sous-exploitation du potentiel de la bibliothèque publique. Cette sous-exploitation est criante dans le domaine des communautés défavorisées. La démocratisation de l'information est au coeur de la mission de la bibliothèque. C'est donc pour elle une chance de réaliser pleinement son potentiel et sa mission. L'intégration des communautés défavorisées dans la société de l'information par le biais des bibliothèques publiques est une chance d'insérer la bibliothèque publique dans le paysage social et de lui donner la place qui lui revient. En effet, les défavorisés de l'information constituent une clientèle qui risque d'être de plus en plus importante. Si les bibliothèques ne prennent pas l'engagement de s'impliquer activement auprès de communautés défavorisées, ce ne sera plus une minorité qu'elles laisseront de côté, mais une part importante de leur clientèle potentielle.
Une ouverture face à la question est absolument essentielle afin de bien connaître les besoins des défavorisés de l'information. Ces besoins, nous l'avons vu, sont nombreux et complexes. Les difficultés rencontrées par les bibliothécaires en essayant d'attirer cette clientèle vers la bibliothèque sont elles aussi nombreuses. Mais il faudra surtout avoir la volonté de répondre à ces besoins de manière à briser l'isolement dans lequel les défavorisés de l'information sont confinés.
Enfin, une telle question peut contribuer à détruire des préjugés des
deux côtés de la barrière, autant sur les communautés défavorisées que sur
les bibliothèques elles-mêmes, ce qui contribuerait à affaiblir cette
mauvaise perception de la profession. Ainsi, l'intégration des
communautés défavorisées dans la société de l'information est un des défis
les plus stimulants mais aussi les plus exigeants auquel les bibliothèques
publiques auront à faire face dans les années à venir.
Annuaire du Canada 1997, Ottawa: Bureau du recensement et de la statistique, 1996.
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Chatman, Elfreda A. "The Impoverish Life-World of Outsiders." Journal of the American Society for Information Science (JASIS) 47, no 3 (mars 1996): 83-92.
Dordick, Herbert S. et Georgette Wang. The Information Society: A Retrospective View, Newbury Park: Sage Publication, 1993.
Landgraf, Mary N. "Library Cards for the Homeless." American Libraries 22, no 10 (novembre 1991): 946-949.
Pienaar, Rae E. "Survival information: the role of the public library in the social and cultural development of disadvantaged communities." IFLA Journal 21, no 1 (1995): 15-18.
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La société de l'information dans un monde à deux vitesses : les solutions de la bibliothèque publique
Cours : BLT 6019 : Sciences et professions de l'information
Professeur : Madame Paulette Bernhard