ISSN 1201-7302 | Cursus vol. 5 no 1 (automne 1999) |
Isabelle Lachance
Cursus est le périodique électronique étudiant de l'École de bibliothéconomie et des sciences de l'information (EBSI) de l'Université de Montréal. Ce périodique diffuse des textes produits dans le cadre des cours de l'EBSI.
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La présence des archivistes dans le monde ne date pas d'hier. Au Québec, cette profession commença à faire son apparition avec la désignation du premier archiviste en 1920. Toutefois, sa mission n'était pas similaire à celle d'aujourd'hui. Mais, en fait, quelle peut bien être la situation professionnelle au Québec? Il est possible de voir une évolution de cette profession indirectement par la réforme des professions et le Code des professions au Québec. En outre, en examinant la mission, le statut et les fonctions professionnelles de l'archiviste québécois, des changements y sont visibles. L'Association des archivistes du Québec (AAQ), fondée en 1967, concourt à cet état. Ainsi, son code d'éthique (créé en 1992 et remplacé par le code de déontologie en 1996) et le code de déontologie lui-même permettent de contribuer à la reconnaissance de cette profession, tout comme une formation académique et la participation à des manifestations culturelles offrent la possibilité d'une meilleure visibilité. Cette situation professionnelle pour l'archiviste québécois ne restera certes pas maintenant immobile et ce, grâce probablement aux orientations prises par l'AAQ pour ses membres.
Depuis la Révolution tranquille au Québec, les archivistes ont pu asseoir davantage leur profession en se donnant par des lois touchant à l'objet de leur travail, c'est-à-dire les archives. Ainsi, en 1961, avec la création du ministère des Affaires culturelles au gouvernement provincial, les archives avaient un début d'assises, puisqu'elles étaient considérées comme faisant partie des biens culturels. Par la suite, quatre lois sont venues affirmer l'existence de celles-ci. Il s'agit de la Loi abrogeant la Loi du Secrétariat et modifiant d'autres dispositions législatives en 1969, la Loi sur les biens culturels en 1972, la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels adoptée en 1982 et la Loi sur les archives qui fut adoptée en 1983.
Chaque loi a eu une conséquence différente mais qui tendait vers une évolution du concept des archives et influençait indirectement la profession d'archiviste. La première loi donnait la responsabilité totale au ministère des Affaires culturelles des archives de la province tandis que la seconde s'attardait à mettre sous juridiction provinciale les biens culturels, au lieu de seulement les monuments historiques (Gagnon-Arguin, 1990, p. 21-23). Les archives se retrouvaient parmi ce groupe. Un pas de plus était franchi. Le prochain venait avec la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels qui obligeait les ministères, organismes publics et parapublics à traiter et organiser leurs documents pour permettre l'accès de leurs documents tout en appliquant le principe de confidentialité des renseignements personnels et nominatifs. Par le fait même, les archives de ces institutions étant visées, les archivistes se virent confier la tâche d'organiser la restriction de l'accessibilité des documents lors de leur diffusion, toutefois sans que le texte de cette loi leur donne directement ce devoir (Gagnon-Arguin, 1990, p. 29). La quatrième et dernière loi touchant aux archives et aux archivistes, Loi sur les archives, a pour objectif notamment d'obliger par le calendrier de conservation les mêmes organismes, soumis à la loi précédente, de conserver leurs documents pour les diffuser et les mettre en valeur. L'impact pour les archivistes de cette loi a été le suivant pour Robert Garon :
La loi a aussi dirigé les projecteurs sur les archives et les professions qui s'y intéressent. Ce faisant, elle a placé face à eux-mêmes les archivistes et les autres intervenants dans la gestion des archives. Elle a mis en évidence leurs forces, leurs faiblesses, leurs lacunes, leurs dissensions (Garon, 1989, p. 13).
La profession n'était toujours pas reconnue officiellement, cependant les organismes avaient besoin de son expertise. En outre, la loi permit en même temps aux archivistes de réfléchir encore plus au fait qu'ils peuvent aussi bien s'occuper de la gestion des documents actifs que de celle des archives définitives.
Ainsi, les archives sont reconnues comme étant des éléments importants pour les organismes. Toutefois, pour les archivistes, le chemin de la reconnaissance ne s'arrête pas là. Il faut passer par différentes étapes. Ils doivent entre autres développer des aspects comme la légalisation pour l'archivistique, la création de programmes de formation académique et l'existence d'une clientèle (Couture, 1997, p. 97). Pour cette dernière caractéristique, il peut être facilement affirmé que la clientèle se présente comme étant des institutions davantage du secteur public, puisque les archives des organisations privées ne sont pas touchées directement par les lois.
Dans les années 1960-1970, une réforme des professions s'instaura qui se traduisit notamment par l'adoption du Code des professions le 6 juillet 1973 (Villeneuve, 1989, p. 33). Mais ce code n'arriva pas seul, il y eut aussi la création de l'Office des professions pour permettre la gestion réelle de cette nouvelle loi. L'impact primordial sera alors le changement des pouvoirs. Ainsi, à cet instant, les corporations professionnelles ne peuvent plus garantir l'intérêt de leurs membres en même temps que celui du public et ceci par l'article 23 du code (Villeneuve, 1989, p. 35). Cette principale fonction s'accompagne alors de la réglementation et du contrôle, cela oblige ainsi les corporations reconnues à mettre en place des systèmes tels qu'un code de déontologie ou un comité de discipline. Pour être reconnue, une corporation doit répondre à des critères comme le degré d'autonomie et la gravité des dommages ou préjudices causés au public par la pratique d'une personne n'étant pas reconnue par cet ordre professionnel. Pour ce qui est de l'Association des archivistes du Québec, cette dernière fut déboutée de ce titre, ce qui ne l'empêche pas de poursuivre des objectifs similaires aux corporations professionnelles reconnues comme le rappelle l'introduction du Code d'éthique de l'Association des archivistes du Québec (AAQ, 1992, p. 5).
Pendant longtemps la mission de l'archiviste était centrée sur la conservation des documents, de la mémoire collective. Toutefois, la signification de cette notion évolue avec les années et avec les différents développements qui se produisent dans la profession notamment l'arrivée du groupe des gestionnaires de l'information administrative. Le rôle social de l'archiviste devient à partir de ce moment-là "la gestion et la conservation du patrimoine actuel et du patrimoine futur" (Gagnon-Arguin, 1995, p. 42). En fait, cette transformation se traduit par l'intégration des deux composantes de la gestion de l'information sous le vocabulaire se rapportant à l'archivistique et l'archiviste (voir le point sur les statuts et la terminologie employée dans la profession).
Un autre impact de l'évolution de la mission se situe par rapport aux tâches professionnelles telles que la description et la diffusion. Ainsi, l'archiviste doit maintenant diffuser les informations qu'il garde et pas seulement conserver les documents qui contiennent ces informations. Par ailleurs, Louise Gagnon-Arguin affirmait dans son livre L'archivistique : son histoire, ses acteurs depuis 1960 que le rôle de l'archiviste s'est élargi tout comme sa mission qui comporte à présent trois volets portant sur la culture, la science et l'économie (Gagnon-Arguin, 1990, p. 110). Dans son Code de déontologie, l'AAQ, quant à elle, présente les deux parties sociale et professionnelle de la mission de l'archiviste. Pour sa partie professionnelle, la mission comprend quatre éléments à retenir dont la gestion de l'information qui respecte la théorie archivistique reconnue (par exemple, l'intégrité d'un fonds d'archives) et celui de "faire preuve d'ouverture aux autres professions favorisant ainsi l'atteinte de la multidisciplinarité et de l'interdisciplinarité" (AAQ, 1998a). L'application de cette ouverture d'esprit entre les professionnels des sciences de l'information par des échanges sur la pratique et la théorie respectives permettrait de rendre plus solide leur existence et leurs pratiques. Ce thème de coopération professionnelle est d'ailleurs toujours d'actualité, puisque Jean-Pierre Wallot faisait cette remarque dans son article paru en 1997 dans Archivaria :
The role -and identity- of the archivist at the turn of the twenty-first century should not be one of defining and defending a professional identity against all comers. It will be more an attitude of professional and technological convergence than rigid doctrinaire formulations (Wallot, 1997, p. 24).
La technologie prenant ainsi une place plus prépondérante dans la société, le rôle et la mission de l'archiviste doivent évoluer dans le sens de cette dernière afin d'être efficace dans la gestion des archives et afin d'y garder sa place.
Une fois la mission générale de l'archiviste déterminée, quelles seraient alors les tâches spécifiques qui le différencient des autres professions exerçant dans le même domaine? En fait, selon Louise Gagnon-Arguin, il y aurait cinq groupes de fonctions professionnelles qui se présentent tout au long de la chaîne documentaire. Ce sont la création, le traitement, l'évaluation, la conservation et le groupe de la diffusion et de l'accès (Gagnon-Arguin, 1990, p. 111). À l'intérieur de ces tâches, l'archiviste créera ses outils particuliers afin de gérer les documents d'archives qui lui sont confiés. Mais pour exercer ces fonctions, l'archiviste devrait posséder des qualités précises. Jacques Grimard en a fait une sélection qui comprend entre autres la capacité d'analyse et de synthèse, la communication claire à l'oral comme à l'écrit et l'aptitude à prendre des décisions importantes (Grimard, 1993, p. 11-12). Comme ce ne sont pas toutes les personnes qui ont ces capacités, il s'agit pour l'archiviste d'identifier celles qu'il désire développer.
La santé d'une profession se voit entre autres à l'existence d'une association regroupant en son sein les spécialistes du champ d'expertise visé. C'est le cas au Québec avec l'Association des archivistes du Québec. La date de la fondation de cette dernière remonte au 9 décembre 1967. Elle est suivie l'année suivante de la parution du Bulletin de liaison de l'Association qui sera remplacé par La Chronique en 1971 ; entre-temps la revue Archives, bien connue du milieu archivistique québécois par les archivistes actuels, paraîtra. Comme dernière date importante des débuts de l'AAQ, il y a celle du premier congrès qui s'est tenu les 13 et 14 mai 1972 (Gagnon-Arguin, 1992, p. 44). Pour l'archivistique québécoise et la profession d'archiviste, la présence de cette association permettait le regroupement des archivistes dispersés dans d'autres groupes reliés au domaine et la concertation des efforts de reconnaissance de cette profession notamment par un programme de certification des membres (professionnels) de cette association (voir la présentation de ce programme au point sur les statuts). L'importance de l'AAQ. est telle que Louis Garon dans un de ses articles dira à propos de sa fondation :
La fondation de l'Association des archivistes du Québec en 1967, marque un tournant important de l'archivistique au Québec. Cette fondation assura la transition de l'archiviste-historien, transition complétée au cours des années 1970 (Garon, 1993, p. 26).
L'Association des archivistes du Québec possède des textes essentiels comme son Code d'éthique (renommé en 1996 Code de déontologie) et une définition des statuts qui encadrent la vie professionnelle des archivistes. (Ces éléments seront développés dans d'autres sections.) Il est bon tout de même de savoir que la vigueur de l'AAQ passe aussi par ses différents comités permanents et spéciaux et leurs activités. Parmi ceux-ci, il y a notamment le "Comité des Affaires professionnelles" et le "Comité de formation et de perfectionnement" (AAQ, 1998b).
Toutefois, il reste encore du chemin à faire à l'AAQ pour que le nombre de ses membres représente une assise solide à son existence et à l'impact de ses activités sur la profession. D'ailleurs, la présidente de cette association le soulignait dans son bilan annuel avec la présentation de l'évolution du recrutement, à savoir que ce dernier est passé de 537 à 546 membres dans la dernière année (Baillargeon, 1998, p. 3). Une des possibles raisons de ce faible taux provient du fait que les personnes engagées par les employeurs comme archivistes ne sont pas obligées d'être membres de l'AAQ pour pouvoir exercer leur profession.
L'archiviste possède un statut plus ou moins clair dans la société, même s'il est vrai que la nomination du premier archiviste au gouvernement du Québec le 2 septembre 1920 marque le début des Archives nationales du Québec (ANQ, 1998). En outre, le terme "archiviste" présente une confusion pour certains avec les activités du "gestionnaire du document". La première appellation se rattachant alors davantage aux archives définitives tandis que la deuxième référerait à l'organisation des archives courantes et intermédiaires que la vision américaine a instituée avec le "records management". Selon Carol Couture, le temps n'est plus à la division de ces noms mais plutôt à l'utilisation de termes englobant comme le mot "archiviste" (Couture, 1996, p. 6-7). Cependant, l'emploi de celui-ci n'est pas constant même au niveau des textes officiels de l'AAQ. Ainsi, il est possible de constater que dans le texte sur la mission de l'association ou dans celui sur ses valeurs fondamentales qui sont énoncées dans les Orientations stratégiques 1996-1999 (voir la bibliographie), la définition de l'archiviste est préférée à l'utilisation de ce mot.
Par contre, l'AAQ travaille à promouvoir le statut professionnel des archivistes, allant par le fait même à l'encontre du Code des professions qui demande aux corporations de mettre de l'avant la protection du public avant l'intérêt de leurs membres. Comme cette association n'est pas reconnue officiellement par le code, elle a la liberté de mettre de l'avant les idées qu'elle désire et même d'appuyer sa crédibilité par un code de déontologie (voir le point plus loin sur ce sujet). Dans ce même code se retrouve la définition de l'archiviste : "toute personne qui œuvre dans le domaine de la gestion de l'information organique et consignée" (AAQ, 1998a). D'autre part, l'association ne se dote pas seulement de la définition du terme "archiviste" et d'un code de déontologie mais aussi d'outils pour asseoir la crédibilité professionnelle des archivistes tels "[qu']une structure de catégorisation des membres de la profession" (Bianchi, 1997, p. 13). Cette dernière se retrouve inscrite dans le texte des Statuts avec les droits et la modalité d'admission ou d'exclusion des membres. Ainsi, il y a le membre professionnel, le membre technicien, le membre étudiant et les membres associés qui sont des institutions ou des personnes associées (AAQ, 1998c). Les membres professionnels (archivistes) représentent alors une catégorie parmi d'autres n'ayant pas plus de droits que les autres types de membres. Cette situation peut être la cause de l'utilisation moins fréquente du mot "archiviste" dans les textes de l'association au profit de sa définition (élargie aux autres catégories de membres).
Il est à souligner que l'AAQ fonde beaucoup d'espoir pour la crédibilité et la reconnaissance de la profession de ses membres grâce à son nouveau programme de "certification des membres" qui permettra aux gens d'indiquer après leur nom qu'ils sont des archivistes certifiés (Baillargeon, 1998, p. 3). À partir de là, ces professionnels pourront utiliser un titre uniforme que l'association gérera pour ses membres.
Depuis 1991, l'AAQ s'est dotée d'un code d'éthique qui selon Carol Couture vise l'encadrement du rôle et des devoirs de l'archiviste qui lui reviennent face à la clientèle, à la profession, à l'AAQ et à la société (Couture, 1996, p. 11). En fait, même si l'AAQ n'est pas reconnue comme étant une association professionnelle, elle s'est donnée le droit de se pourvoir d'un code d'éthique guidant les actes généraux de ses membres et ainsi faire comme si elle en était une, puisque celles dûment reconnues doivent en posséder un selon l'article 87 du Code des professions (telle que le mentionne l'introduction du Code d'éthique de l'AAQ). Ce dernier est composé de cinq chapitres. Dans le quatrième chapitre, il y est question des "Devoirs envers la profession" qui développent des points sur la promotion de la profession, sur les "actes dérogatoires" envers la profession, sur le développement de celle-ci, sur les normes et les principes qui doivent primer et sur le respect mutuel des membres de cette profession (AAQ, 1992, p. 7-8). Ce texte officiel est un pas de plus que la profession a fait vers sa crédibilité. D'autres auteurs affirment la même chose, par exemple, Cristina Bianchi dans sa synthèse des buts du Code d'éthique avance que ce dernier sert à "renforcer la cohésion et la reconnaissance sociale de la profession" (Bianchi, 1997, p. 13).
L'Association des archivistes du Québec ne s'arrêta pas à ce code d'éthique pour asseoir sa crédibilité : elle avait besoin d'autres textes. Ainsi, à défaut d'avoir un organisme de contrôle de sanction qu'obligerait le Code des professions, l'association s'est dotée d'un Code de déontologie. Adopté en 1996, il devrait être suivi, selon Cristina Bianchi, par un Guide de conduite professionnelle traitant de la façon d'appliquer concrètement ces grands principes généraux (Bianchi, 1997, p. 13-14). Il semblerait que ce guide ne soit toujours pas publié. Sur l'Internet, il n'y a que la version du Code de déontologie de diffusée qui présente des définitions, la mission sociale et professionnelle des archivistes et finit par la déontologie à proprement parler qui s'applique au niveau de la collectivité et à celui des individus par rapport aux comportements. Parmi ces énoncés, certains s'appliquent davantage au volet professionnel dont celui soulignant le devoir de tenir "à jour ses connaissances par le perfectionnement et la recherche" (AAQ, 1998a). Ainsi, dans la formulation des grands énoncés, il est possible de sentir et de prévoir le début des applications concrètes de ceux-ci comme celle d'un test de connaissance que les archivistes devraient passer à chaque année.
La formation est importante pour établir une profession et sa discipline tels qu'en font foi les textes de l'Association des archivistes du Québec. D'ailleurs, les affirmations de l'AAQ ne restent pas "lettre morte" comme le prouvent les 21 ateliers de formation (continue) donnés par l'AAQ durant l'année 1997-1998 et qui rejoignirent 430 personnes (Bailllargeon, 1998, p. 4).
Dans la formation actuelle en archivistique (donnée par l'AAQ et les écoles), un besoin se fait sentir de connaître et d'apprivoiser les nouvelles technologies pour mieux les utiliser dans l'exercice de la profession d'archiviste. En outre, il ne faut pas oublier que ce qui contribue à la compétence de l'archiviste c'est cette formation. D'ailleurs, Mulé du Luigi en 1996 affirmait que l'archiviste du 21ème siècle est un professionnel qui s'appuie sur une formation scientifique de niveau universitaire (Bourque et al., 1997-1998, p. 18). Les programmes d'enseignement viennent alors orienter les objectifs du futur archiviste.
Selon Carol Couture, dans les trois universités québécoises francophones qui offrent des cours en archivistique (Université de Montréal, Université du Québec à Montréal et Université Laval à Québec), leur programme d'enseignement pour ce sujet reflète la préoccupation d'étudier l'archivistique en fonction du contenu (l'information consignée par une personne physique ou morale) des documents d'archives plutôt que celui du contenant (le document) (Couture, 1996, p. 11 et 15). Dans ces universités, des certificats au niveau du baccalauréat permettent de former des professionnels de l'archivistique, mais seulement l'Université Laval et l'Université de Montréal offrent la possibilité de poursuivre leur éducation au deuxième cycle des études supérieures tout comme l'Université McGill le permet dans la langue anglaise (Garon, 1993, p. 33). Il y a même un programme de doctorat, offert à l'Université de Montréal, pour pousser plus loin dans les connaissances et recherches. En fait, pour exercer de façon plus solide, cela prend une formation adéquate que les universités devront développer dans le sens de l'évolution de l'archivistique -de s'adapter à la réalité en d'autres termes- afin que les archivistes qui sortiront de l'école fassent progresser la profession et de leurs connaissances et de leurs réflexions personnelles.
Une façon de se faire reconnaître par la société comme une profession importante pour le fonctionnement et le développement de celle-ci est l'implication au niveau culturel afin d'obtenir une plus grande visibilité. La participation des archivistes à d'autres congrès que le leur serait un moyen tout comme l'implication officielle de l'AAQ -et pas seulement l'action d'une poignée d'archivistes isolés- à propos de sujets chauds de l'actualité tels que le système de santé et les frais de scolarité en serait un autre. Une autre possibilité est de s'impliquer lorsque des lois concernant le domaine archivistique et ses professionnels viennent sur la sellette de la politique. En ce sens, l'AAQ a déposé récemment un mémoire sur la révision quinquennale de la loi d'accès à l'information et sur la protection des renseignements qui a entraîné la rédaction d'articles dans les journaux et une entrevue radiophonique sur ce sujet (Baillargeon, 1998, p. 4).
Après la société, c'est aux membres qu'il faut s'attarder afin de garder vivante et toujours en évolution leur démarche intellectuelle au niveau des principes archivistiques à appliquer. Un bon moyen de préserver ce dynamisme est la publication d'articles dans des revues spécialisées sur le domaine telles que Archivaria au niveau canadien et Archives au niveau québécois.
En regardant la situation présente de la profession d'archiviste et la conjoncture économique actuelle qui provoque des compressions au niveau du personnel (dont les personnes affectées à la gestion des documents en l'occurrence les archivistes), les actions à envisager ne doivent pas être réalisées pour donner seulement une reconnaissance à l'archiviste, mais aussi afin de démontrer sa valeur essentielle à des administrateurs voraces de coupures.
Forts de cette idée, il est approprié de se demander maintenant quelles sont les actions entreprises dans ce sens par l'Association des archivistes du Québec. Après tout, cette dernière cherche à soutenir le travail de ses membres tel que défini dans les éléments de sa mission qu'elle doit assurer : "une représentation adéquate de la profession au sein de la société et auprès des corps politiques" (AAQ, 1998d). Pour ce faire, l'association se donna l'orientation générale pour les années 1993 à 1996 d'obtenir une reconnaissance professionnelle de ses membres. Ayant obtenu une certaine évolution à ce sujet, l'AAQ veut maintenant affirmer davantage l'archivistique en agissant par rapport à cinq orientations stratégiques qui sont : la promotion de l'archivistique, la technologie et le défi qu'elle présente, la formation et le perfectionnement, une plus grande concertation et l'obtention d'une gestion adaptée à la conjoncture (AAQ, 1998e). Pour le volet professionnel, c'est la formation qui est mise de l'avant pour obtenir des spécialistes prêts à affronter la gestion actuelle. Encore une fois, la formation est au cœur de la reconnaissance de cette profession.
Que dire de plus que ce qui a été affirmé sur la situation de la profession d'archiviste au Québec? Il doit bien rester quelques points à éclaircir, comme la coopération internationale entre les archivistes. Jacques Grimard et Jean-Pierre Wallot parlent d'ailleurs en ces termes de ce volet :
[…] le Conseil international des archives, qui regroupe quelque 1400 institutions et professionnels provenant de plus de 150 pays, peut apporter un soutien considérable en facilitant la circulation et l'échange de l'expertise et de la connaissance indispensable à la mise en place d'infrastructures archivistiques viables (Grimard et Wallot, 1996, p. 8).
Cette même coopération peut se traduire au niveau des professions parentes de l'archivistique comme les sciences de l'information et de celles pouvant aider à l'implantation plus solide des archivistes dans la société et les institutions actuelles. L'informatique documentaire présentée précédemment en serait un exemple.
Toutes ces idées de communication ne partent pas d'affirmations non fondées, puisque l'AAQ formule dans ses énoncés de mission leur devoir "[d']assurer aux membres les services susceptibles de favoriser et d'accroître les échanges et la communication internes et externes des idées et des connaissances" (AAQ, 1998d). Cet énoncé laisse sous-entendre que les membres profiteront de leur présence dans l'AAQ pour enrichir mutuellement leur bagage de connaissances, cependant il peut aussi laisser la place à une interprétation de plus grande envergure au niveau de la coopération internationale avec le mot "externes". Enfin, le contexte de mondialisation apporterait de nouveaux défis à l'évolution de la profession de l'archiviste par le biais de la diffusion et également de la législation comme le soulignent Julie Bourque, Carol Couture et Nathalie Faucher : "En archivistique comme ailleurs, la législation doit s'ajuster aux progrès scientifique et technologique" (Bourque et al., 1997-1998, p. 12). Et voilà la boucle est faite en retournant encore et toujours à la législation qui pousse les professions, et les archivistes québécois (en particulier), à se développer au sein de la société.
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